• Dossier : Les séries fantastiques, un nouvel espace d'engagement féministe ?


    Comment aborder le sujet de la représentation des femmes dans les séries d'aujourd'hui sans tomber dans la caricature ? Pas si difficile finalement, au vu de la grande diversité des productions. Si certaines d'entres elles restent décidement ancrées dans les stéréotypes, d'autres, les plus nombreuses, prennent le parti de mettre en scène des femmes de tête. Les séries, fantastiques en particulier, ne seraient-elles pas devenues le nouveau moyen d'expression d'un engagement féministe en perte de vitesse sur grand écran ?


     

    D’abord, force est de constater que le nombre d’héroïnes n’a jamais été aussi important. Les femmes occupent au sein des fictions télévisées une place prédominante, et ce quel qu'en soit le genre. Les Desperate Housewives ont initié ce mouvement en 2004, provoquant une véritable révolution à l’époque des très virils 24h Chrono et Prison Break.

    Mêlant conservatisme et féminisme, DH a ouvert la voie à un nouveau type de série centré sur la femme dans son "milieu" et son rôle traditionnels : celui de femme au foyer, d’épouse et de mère de famille, celui d’objet sexuel aussi, dimension particulièrement forte dans des séries comme Mad Men (en démontre la désillusion de l’ambitieuse secrétaire Peggy, victime dès son arrivée des regards vicieux et gestes déplacés de ses supérieurs masculins). Ces séries réalistes véhiculent une critique sociale et morale implicite qui n’en devient que plus évidente.

     

    Mais qu’en est-il des séries fantastiques? A travers la construction d’un monde nouveau, la fiction devient un terrain d’expérimentation inédit, un « laboratoire social » où les rôles imposés à chacun s’effacent. Defiance, nouvelle série de science-fiction produite par la chaîne SyFy, en est un bon exemple : les personnages féminins y occupent en effet des rôles clés. D’abord, il y a la maire Amanda Rosewater (jouée par Julia Benz, un changement radical par rapport à Rita, la femme au foyer un peu niaise de Dexter). Elle est la force politique principale de la ville de Defiance, même si elle est loin d'en tirer toutes les ficelles. Elle est notamment menacée par la stratège Stahma Tarr (Jaime Murray), encore plus cruelle que ne l'est déjà son mari Datak. Il y a enfin la sœur d’Amanda, Kenya, prostituée et gérante d'un bordel miteux (Mia Kirshner) au caractère bien trempé et aux mœurs libres, sans doute le personnage le plus intéressant.

    Bien sûr, certaines choses ne changent pas : la force physique reste un atout masculin. Elle est incarnée par l’intrépide lawkeeper Nolan (Grant Bowler) ou encore l’inquiétant Datak Tarr mentionné précédemment. Les femmes elles, restent raisonnées et raisonnables. Malgré tout, ce sont elles qui dominent indéniablement l’action. Les héroïnes de Defiance font penser à l’Olivia de Fringe, à l’Erica Evans ou encore à la terrifiante Anna de la série V (centrée sur l’invasion extraterrestre, sortie en 2009 et annulée au bout de deux saisons). 

     

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     Defiance est semble t-il porteuse d'une tendance générale en ce qui concerne la représentation féminine dans  les séries fantastiques, une tendance qui met au premier plan des personnages féminins forts et indépendants.
     
    Ainsi, on remarque de très nombreux points communs entre les héroïnes d'une série post-apocalyptique telle que Defiance et celles de l'ultra-célèbre Game Of Thrones : Catelyn Stark, Danaerys Targaryen, ou encore Cersei Lannister sont des figures politiques ; la première devient chef de Winterfell après la mort d'Eddard Stark (attention spoiler pour ceux qui n'ont pas vu la première saison !), la seconde est la "khaleesi" est domine le peuple des Dothraki après la mort de Khal Drogo -dans le même temps son pouvoir maternel lui confère une puissance supplémentaire, elle est la "mère des dragons"-, la dernière, enfin, représente l'ambition de la domination politique. En ce sens, les deux personnages de Cersei et de Stahma Tarr sont remarquablement similaires. On retrouve également, dans GoT, la figure de la petite fille rebelle, Arya Stark, garçon-manqué un peu perdue mais déterminée à échapper à ce destin de princesse qu'on lui impose. 

     

       

     

     


      


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  • Bates Motel, une reprise moderne du Psychose d'Hitchcock :  le même décor, une époque différente, et ça fonctionne (très bien même) !

     

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    Cette série de 10 épisodes, diffusée dès de mars 2013 par la chaîne américaine câblée A&E, a d'ores et déjà été renouvelée pour une seconde saison, qui verra le jour en 2014.

    Norman Bates, dont le père vient de mourir dans d'étranges circonstances (la première séquence de l'épisode nous fait hésiter... S'agit-il d'une simple chute, ou bien d'un meurtre? La mère de Norman, Norma Louise Bates, a un comportement pour le moins équivoque), est un jeune homme de 17 ans, attaché excessivement à sa mère. Afin de "passer à autre chose" et commencer une nouvelle vie, Norma et Norman quittent l'Arizona pour s'installer dans un model, abandonné, glauque et pousserieux, de l'Oregon.

     

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    Seulement, le nouveau départ s'annonce compromis. D'abord, il y a la complexité, la toxicité de cette relation fusionnelle et donc nécessairement conflictuelle qui lie les deux protagonistes :  Norman adore Norma, mais Norma adore trop Norman, elle l'étouffe, l'empêche de s'intégrer dans son lycée et de sortir avec des filles. Dans un même temps, il y a cette scène de déclaration d'amour, lorsque Norma avoue être une mauvaise mère. Norman s'empresse alors de répondre : "It's you and me... It's always been you and me... We belong to each other".

    Cet amour possessif, violent, exclusif, apparaît plus clairement chez la mère (Vera Farmiga, connue pour ses rôles dans Esther ou plus récemment The Conjuring), mais le fils en apparence inoffensif (Freddie Highmore, la bonne bouille de Charlie et la chocolatrie ou encore August Rush) semble empli d'une violence latente. Il y a notamment ce carnet qu'il trouve sous la tapisserie d'une des chambres du motel, rempli de dessins malsains, de femmes attachées, par lesquels il semble particulièrement intéressé. On devine qu'il est une sorte de Dexter en devenir, à la fois victime et prédateur.

    En somme, le premier épisode ancre l'intrigue dans une atmosphère angoissante à la Twin Peaks. Les personnages sont instables, imprévisibles. Si, au premier abord, c'est Norma qui effraie, le vrai prédateur n'est-il pas celui qui est le plus dicret, le plus effacé ? Le cliffhanger de la fin du premier épisode le laisse penser... En prenant le parti de débuter l'histoire sur un Norman Bates adolescent, la série ne prétend pas copier le chef-d'oeuvre d'Hitchcock ni même le concurrencer, mais simplement d'en proposer une nouvelle approche, ancrée dans la modernité qui plus est. A voir au plus vite ! (trailer VO ici)


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    Orange Is The New Black, ou le récit tragi-comique de la vie quotidienne dans une prison pour femmes. La nouvelle série, très réussie, de Jenji Kohan, créatrice de Weeds.

     

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    Piper Chapman, jeune et belle femme d'un trentaine d'années, est fiancée à Larry, un écrivain en manque d'inspiration. Le couple mène une vie tranquille et aisée à New York. Impliquée dans une trafic de drogues une dizaine d'années auparavant, mettant en cause son ancienne petite-amie Alex Vause, elle est condamnée à purger une peine de 15 mois de prison. Cette histoire est inspirée de faits réels. Elle est basée sur le roman de Piper Kerman, roman dont la série a d'ailleurs repris le titre.

    OITNB comprend 13 épisodes. Chaque épisode est centré sur un des personnages, même si Piper et notamment la relation d'amour-haine qu'elle entretient avec Alex constituent le fil conducteur de la saison. Au même titre que Skins, ou dans un tout autre genre, Game of Thrones, les différents personnages se dévoilent peu à peu pour former une mosaïque de caractères à la fois caricaturaux et profondément humains : "Red", la redoutable cuisinière à l'accent russe qui se révèle être une figure protectrice et maternelle pour certaines détenues, ou encore celle que tout le monde surnomme "Crazy Eyes", l'auto-proclamée "femme" de Piper; qui s'avère être bien moins folle que ne le pensent les autres filles.

    En fait, le monde carcéral n'est pas le sujet principal de cette série, mais plutôt l'effet qu'il produit sur ces êtres humains. L'enfermement, la vie forcée en communauté change les caractères (en particulier celui de Piper, métamorphose qui touche à son paroxysme dans le dernier épisode, spectaculaire) et rend l'intrigue palpitante. Pas de moralisme, même si la critique féministe est omiprésente, à travers la mise en scène de personnages masculins pervers et misogynes (le conseiller homophobe de Piper, Sam Healy, ou encore le guardien Mendez).

    ► En résumé, je vous conseille cette série qui met en scène des personnages complexes. L'héroine n'échappe pas à la règle: attachante dans un premier temps, c'est peut-être elle que l'on aime le moins, à la fin.
    A noter, l'excellente musique du générique composée et interprétée par Regina Spektor, intitulée "You've Got Time", à écouter
    ici !

    Netflix a renouvelé la série pour une seconde saison, dont le tournage vient tout juste de commencer. En attendant, voici le trailer de la saison 1 (VO) .


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    The White Queen, une adaptation fade des romans de Philippa Gregory, auteure de Deux soeurs pour un roi

     

     

    Je n'ai regardé que les deux premiers épisodes de cette nouvelle série produite par la BBC et diffusée par la chaîne Starz aux US (Camelot, Spartacus). Ceci est donc un avis provisoire ! (regardez le trailer
    ici )

    Le pilot est loin d'être accrocheur. L'intrigue, située dans l'Angleterre du XVème siècle, en pleine Guerre des Roses, est centrée sur l'histoire d'amour interdite entre le nouveau roi Edward IV et Elizabeth Woodville, la dite Lady Grey. Une sorte de Roméo et Juliette en somme, puisque les deux tourtereaux appartiennent à deux familles ennemies, la "House of York" pour l'un et la "House of Lancaster" pour l'autre, d'autant plus qu'Elizabeth n'est qu'une 'commoner'; elle est loin d'avoir un statut social qui lui permette d'accéder au trône. Contre l'avis de son conseiller, le "kingmaker" Richard Neville, Edward IV décide tout de même de se marier avec elle, et Elizabeth va se retrouver propulsée à la cour, haïe par la mère (Lady Cecily Neville) et par Neville et ses filles, prêts à tout pour provoquer sa chute.

    The White Queen ressemble à un mélange aseptysé de "The Tudors" et d'"Elizabeth". L'actrice principale, la suédoise Rebecca Ferguson, ressemble à s'y méprendre à Cate Blanchett en jeune Elizabeth Ier (attention, il ne s'agit pas de la même ! Elizabeth Ier est une descendante d'Elizabeth Grey), une jeune fille naïve et fleur bleue (même si Elizabeth Grey est plus agée que le roi et a deux petits garçons d'un mari décédé).

    La série est loin d'être sans intérêt. L'évolution du personnage est visible; Elizabeth doit s'endurcir face au microcosme étouffant et menaçant de la cour. De l'amoureuse passive, elle se métamorphose en femme de tête, contrainte de faire face aux lourdes responsabilités qu'implique le statut de reine. En ce sens, la série est intéressante. A partir du moment où Elizabeth met les pieds à la cour, à partir de son couronnement, on sent que l'intrigue va décoller et que le personnage va progressivement se réveler.

    ► En somme, je reste partagée sur cette nouvelle série qui malgré des aspects positifs innove peu. Reste à voir son évolution sur les dix épisodes de la saison. Pour l'instant, mieux vaut regarder les deux volets "Elizabeth" et "Elizabeth : the Golden Age" pour se replonger dans l'Angleterre du XV-XVIème siècles. 

     

     

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