• Masters of sex, où comment lever le tabou de la sexualité dans l'Amérique puritaine et conservatrice des années 50.

     

     
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    Masters of Sex (voir le trailer ici) s'inspire de faits réels, de la vie de héros peu conventionnels qui ont révolutionné, en leur temps, la sexualité, en contribuant à en faire un domaine scientifique à part entière.

    Dr. William Masters, brillant docteur en obstétrique, est prêt à sacrifier sa carrière pour publier un livre dévoilant les mécanismes de la sexualité, sujet encore très tabou dans le milieu médical américain des années 50.  'I just want to know what happens to the body during sex', dit-il au directeur de l'hôpital, outré à l'idée d'un tel sujet d'étude. Pour le docteur Masters, c'est l'interdit moral qu'on pose sur la sexualité qui doit être dépassé au nom de la science.

    Incarné par un Michael Sheen (Tony Blair dans The Queen de Stephen Frears) tout en nuances et contradictions, William Masters est bien difficile à cerner : d'un égocentrisme remarquable et d'une impassibilité qui le met d'entrée de jeu à part, il n'est pas particulièrement sympathique. Envers sa femme en particulier, fragile créature rongée par la culpabilité de ne pouvoir « lui donner » d'enfants. Lits séparés, rapports sexuels froids et pénibles, contrastent radicalement avec l'objet d'étude du docteur qu'est l'analyse scientifique du plaisir, féminin en particulier. 

    Cet épisode fonctionne donc sur les contradictions internes des personnages. Le docteur est d'emblée attiré par la nouvelle secrétaire, Virginia Johnson (Lizzy Caplan, la petite-amie de Jason dans True Blood saison 1), une brune séduisante, aux mœurs libres et au franc parler inhabituels chez une femme à l'époque (une féministe, en somme !). Choisie (sans surprise) par Masters pour l'assister dans son projet, elle recrute des sujets d'études féminins, leur déclarant même dans un élan de rhétorique plutôt sincère ; 'we'll probably be the biggest change to women's lives since the right of vote'. Ce qui, finalement, se confirmera.

    On pourrait s'attendre à ce qu'une telle série multiplie les scènes de sexe. En réalité, le spectateur est mis à la place du scientifique : l'orgasme, on se l'imagine en regardant les traits s'affoler sur l'électrocardiogramme relié aux cobayes "en action". Tout est suggéré, presque rien n'est montré.  En fait, c'est le scientifique lui-même qui est ici observé, c'est son rapport paradoxal et conflictuel à l'amour (de sa femme) et au désir (de Virginia) qui est donné à déchiffrer au spectateur.

     

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     En bref, j'ai été agréablement surprise par cette série sur laquelle, j'avais, il est vrai, quelques préjugés. Mais les productions de la chaîne américaine Showtime déçoivent rarement ; après Dexter et Homeland, Masters of Sex s'annonce déjà comme l'une des grandes séries du moment. Directement inspirée de la biographie de Thomas Maier du même nom,et diffusée depuis la fin septembre, la série attire une moyenne de 5 millions de spectateurs par épisode. Face à ce succès, la chaîne a confirmé fin octobre le tournage d'une seconde saison en 2014 !


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  • Unité 9, la série carcérale made in Québec !   

    Les séries centrées sur l'univers de la prison seraient-elles à la mode ?  Pas étonnant, au vu des possibilités de réflexion qu'ouvre la mise en situation de personnages dans un univers clos et fondamentalement hostile. Le thème principal, c'est alors celui de la découverte, parfois violente, de son soi véritable, dans cette jungle carcérale où les apparences sociales  et les politesses de rigueur n'ont plus lieu d'être. Unité 9 partage avec sa consoeur américaine Orange Is The New Black la légèreté de la comédie mais nous plonge avec davantage de profondeur dans les difficultés et les conflits de la vie carcérale.

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    L'intrigue est centrée sur le personnage de Marie LaMontagne, mère de deux enfants et incarcérée pour tentative de meurtre sur son père au pénitencier pour femmes de Lietteville. La protagoniste n'arrive à la prison qu'à la fin d'un premier épisode qui se situe en fait sur trois plans distincts. Celui, d'abord, de la famille de l'accusée, du point de vue de sa fille surtout, observatrice impuissante de la déchéance de sa mère. Celui ensuite Marie elle-même que l'on nous montre ; assise dans une cellule étroite, debout dans le boxe des accusés à l'écoute de sa sentence (sept ans de prison), elle apparaît d'ores et déjà coupée du monde. Celui, enfin, des détenues elles-même, futures compagnes de Marie dans la fameuse « Unité 9 ».

    Paradoxalement, la phobie de l'enfermement qu'exprime Marie contraste avec l'apparente liberté des détenues de l'Unité 9, qu'on voit déambuler, presque librement, dans la prison. Cette unité, c'est au premier abord une colocation entre copines, avec cuisine et salle de bain communes.

     

    En fait, cette prison sans barreaux que découvre, étonnée, Marie au début du second épisode, ne donne que très furtivement l'impression de liberté, comme le lui rappelle la timide Suzanne Beauchemin, évoquant l'absence de barreaux aux fenêtres : « dès fois j'trouve que ça manque parce-que on finit par oublier qu'on est en prison... mais il y a toujours quelqu'un pour nous rappeler qu'on est toujours ici » dit-elle d'une voix lasse. La scène de fouille à nu qui précède ancre déjà la série dans une réalité carcérale violente, où l'individu perd la possession même de son corps.  

    Mais, et sur ce point Unité 9 est comparable à Orange is the New Black, la prison est aussi un espace de solidarité et d'amitié féminines, visibles quand par exemple les détenues vont jusqu'à subtiliser les bougies de la chapelle pour fêter l'anniversaire de la doyenne et chef en quelque sorte autoproclamée de l'Unité 9, Elise, vol innocent mais qui sera pourtant sévèrement puni.

     

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     Je vous conseille donc cette série qui nous pénètre par son réalisme et sa justesse. L'héroïne, quarantenaire, mère de famille, est bien loin de la Piper Chapman d'OITNB. Sa claustrophobie, son hébétement perpétuel face à ce qui lui arrive, laisse présager une suite difficile dans cette unité 9, qui, on le devine, va être le centre de nombreuses péripéties. La série est un gros succès au Québec où une quatrième saison sortra en septembre prochain.


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  • Top of the Lake, la série mystique de Jane Campion. Une fable étrange, poétique et captivante.

     

    Ma première impression suite au visionnage du pilot a été celle que l'on aimerait que chaque série nous fasse. L'envie de regarder la suite le plus tôt possible ! (le lien pour le trailer ici )

    Top of the Lake, c'est à la fois une façon de désigner le lieu où se déroule l'action (le Lake Top, dans le sud de la Nouvelle-Zélande) et une manière de nous dire que la série va s'employer à dévoiler ce qui se cache "en dessous", sous les eaux les plus opaques. Bref, surface du lac et apparences trompeuses ne font qu'un; la clé de l'intrigue repose sur la résolution d'un secret troublant : retrouver la petite fille de 12 ans, Tui, qui disparaît à la fin du premier épisode, alors que l'on vient de découvrir qu'elle est enceinte.

    Que lui est-il arrivé ? Qui est le père ?

    Parmi les personnages gravitant autour d'elle, il y a la détective venue de Sydney, Robin Griffith (Elisabeth Moss, la Peggy Olson de Mad Men), personnalité extérieure dont les hommes ont du mal à accepter la présence intenpestive, et qui va prendre en charge l'enquête. Au bord du lac s'est aussi installé un groupement de femmes un peu perdues, vivant dans des containers éparpillés sur la plaine, un lieu (ironiquement?) renommé Paradise. Elles y vivent dans l'adoration d'une étrange gourou, GJ (Holly Hunter), femme-prophète aux longs cheveux gris, mi-sorcière mi-hippie, qui renforce l'atmosphère mystique de la série.

     

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    Les plans sur le lac, sur les plaines et les montagnes, auréolés de brouillard, nous immergent dans un monde en demi-teintes, où la nature apparaît  plus menaçante que maternelle. On ne peut s'empêcher de penser à certaines images de Twin Peaks ou, plus récemment, des Revenantsqui place également au centre de son intrigue un lac qui se vide peu à peu de son eau tandis que les morts reviennent à la vie.

     

    Last but not least, Jane Campion est une féministe convaincue, et on le voit bien ! Ce sont les femmes qui déclenchent l'intrigue dramatique, ce sont elles qui enquêtent, qui recherchent la vérité. Les hommes, ce sont (presque tous) des machos, violents et pervers (le père de Tui, Matt Mitcham, étant le pire de tous).

    ► En bref, Top of The Lake est pour moi l'une des meilleure série de la rentrée. Sa beauté toute particulière, elle la tire de ses contrastes, de ses hésitations volontaires, entre le flou et le clair, la surface et le fond, le calme et l'agitation qui habitent les personnages. Cette mini-série de 7 épisodes, produite par BBC 2, Sundance Channel et UKTV, est en ce moment diffusée sur Arte, et les épisodes sont disponibles sur Arte replay !

     

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