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Black Mirror , l'omniprésence de l'oeil numérique
Black Mirror, où quand les écrans dictent nos vies. Choniques d'un futur proche ?
Que dire de Black Mirror sinon que les trois épisodes que comporte la première saison m'ont complètement bluffé, dérangé, étonné, angoissé, et plus encore.. Tant d'adjectifs peuvent qualifier une série à la fois ancrée dans les temps modernes et projetée dans un avenir où les écrans sont partout, peuvent tout, savent tout. Les trois épisodes ne se ressemblent pas mais convergent vers un constat inquiétant : que restera t-il des relations humaines quand la technologie deviendra l'interface indispensable, omniprésente, entre les hommes? Quand les individus deviendront-ils esclaves des écrans, s'ils ne le sont pas déjà? Quand la mémoire numérique remplacera t-elle la mémoire humaine ?
Une série visionnaire
Si les épisodes sont totalement indépendants les uns des autres, ils mettent tous en scène une facette de ce monstre numérique que les hommes ont créé et dont ils ont perdu le contrôle. Dans le premier épisode ironiquement intitulé The National Anthem, le premier ministre britannique est soumis à un dilemme: sauver son honneur ou la vie d'une des membres de la famille royale, kidnappée par un terroriste à la demande de rançon pour le moins particulière. Ce dernier exige que le ministre ait un rapport sexuel avec... une truie, en direct à la télévision.
A peine la cassette visionnée, la vidéo est postée par le ravisseur sur Youtube : au bout de quelques minutes, elle a déjà fait le tour des réseaux sociaux. Dès lors, la caméra se fixe sur le visage anxieux de Michael Callow (Rory Kinnear) qui jusque bout va croire à une solution de secours. La tension monte au fil de l'épisode, alors que le terroriste ne laisse aucune trace, trompant la police avec une facilité arrogante, et l'échéance arrive à son terme. Ici, internet devient un moyen de pression surpuissant, pouvant mettre le politique, le moral, la civilisation, à ses pieds. Ce sentiment est renforcé par la réaction voyeuriste de la population. Le moment du passage à l'acte forcé, les rues se sont vidées : tout le monde, seul, au bar, en famille, regarde la scène se dérouler.
Le second épisode, 15 Million Merits, se situe dans un univers dystopique à la Orwell. Les hommes évoluent au sein d'un microcosme multimédia, envahis d'écrans et d'images en continu : un univers totalitaire, où faire du vélo d'intérieur (chaque coup de pédale servant à alimenter la structure en électricité) est la principale activité. Le seul espoir qu'ont ces hommes de voir la véritable lumière de jour, c'est de devenir un Hot Shot, autrement dit de gagner une parodie de X-Factor qui les fera sortir de cette interminable routine.
Le bourgeonnement d'une histoire d'amour, l'émergence des sentiments dans ce monde cruel et froid où vies réelle et virtuelle se confondent, nous font croire un temps à l'espoir d'une fin heureuse. En fait, l'épisode est dominé par une réflexion profondément réaliste et cynique sur l'univers de la téléréalité. Bing (Daniel Kaluuya) seul personnage doté d'un sens moral, finit lui-même par faire partie de ce système qu'il dénonçait haut et fort.
Le troisième et dernier épisode, The Entire History of You, aborde un thème différent, celui de la mémoire humaine, concurrencée (voire remplacée?) par la mémoire numérique. Le monde mis en scène est quasiment contemporain au notre. Seulement, chacun vit avec une puce implantée dans son oreille, qui enregistre tout ce qu'on voit ou entend, et qu'il est ensuite possible de visionner seul, ou en public.
On suit les angoisses de Liam Foxwell (Toby Kebell) jeune avocat persuadé d'être trompé par sa femme, et qui va s'enliser dans une véritable psychose visuelle. Tout l'intérêt de cet épisode réside dans l'attachement excessif aux images qui remplace la singularité de la perception individuelle et de la mémoire du vécu. Les photos, les vidéos qu'on prend systématiquement de peur d'oublier sont-elles en passe de remplacer notre ressenti propre ? Nous dispensent-elles de se souvenir par nous-mêmes ?
La série créée en 2011 par Charlie Brooker (véritable institution outre-manche) est pour l'instant composée de deux saisons, soit six épisodes au total (format de 60 minutes). Diffusée sur Channel 4, aucune diffusion n'est pour l'instant prévue en France. Heureusement pour vous, il y a l'option streaming. Un conseil, précipitez-vous !
Tags : Black Mirror, Charlie Brooker, écrans
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