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Par claireemarchal le 27 Février 2015 à 19:47
It's Always Sunny In Philadelphia : immoralité et humour noir dans ce qu'ils ont de meilleur.
En 2005, trois amis, Rob McElhenney, Glenn Howerton et Charlie Day, écrivent et filment dans leur appartement un court métrage sur un homme se confiant à propos de son cancer à son ami, venu seulement pour lui emprunter du sucre. Le court une fois fini et monté, est montré à la chaîne FX en guise de pilote. C’est le début de It’s Always Sunny In Philadelphia, une des sitcoms les plus longues jamais diffusées à la TV américaine, en ce moment dans sa dixième saison, et déjà renouvelée pour deux de plus. Quelle est cette série qui malgré peu de nominations et de prix, dure depuis tant d’années et a même atteint, pour beaucoup, un statut de série culte ?
Des héros on ne peut moins nobles
Le pitch de départ de It’s Always Sunny In Philadelphia est assez simple. On suit les mésaventures du « gang », cinq amis qui possèdent et travaillent dans un bar miteux du sud de Philadelphie. Les prémices du show semblent au premier abord vus et revus. Mais ce ne sont pas l’amour, l’amitié, la famille ou le travail comme c’est d’habitude le cas dans ce genre télévisuel, qui guideront nos héros dans leurs aventures. Leurs moteurs sont bien moins nobles : avarice, fanéantise, ignorance, malhonnêteté, egoisme, egocentrisme et mesquinerie.
Tous les personnages se montrent plus immoraux les uns que les autres et, bien que censés être amis et collègues, leur quotidien n’est fait que de disputes, guerres intestines et arnaques en tout genre. Les défauts des personnnages son poussés à l’extrême : On retrouve Dennis (Glenn Howerton) narcissique, colérique et obsédé par son apparence, Charlie (Charlie Day), dysléxique, drogué et en dehors de la réalité, Dee (Kaitlin Olson) persuadée d’être la fille la plus drôle d’Amérique et véritable souffre douleur de son groupe, Frank (Danny DeVito), vieil escroc riche, malhonnête et bizarre, Mac (Rob McElhenney) luttant à chaque instant pour être le plus masculin et badass possible et ainsi refouler son homosexualité. En étant conscis, chacun des personnages de la série est absolument détestable.
Ce sont ces défauts, apparents et extrêmes, qui rendent, paradoxalement, les personnages attachants, et surtout, éminemment distrayants. Ils ne reculent devant rien, que cela soit devenir accro au crack pour toucher des allocations ou coucher avec la mère de ses amis juste pour leur faire du mal, en passant par tous les coups bas et idioties que vous pouvez imaginer, et même plus. La plus grande force du show est alors celle-ci : il n’y a pas de sujet tabou, on peut se moquer de tout et de tout le monde.
Un vrai « gang » qui dure
Le parti pris de la série d’avoir un humour noir sans concessions au mépris du politiquement correct et de la bienséance pourrait aisément tomber dans une facilité ennuyeuse et crasse, mais ce qui la sauve de tels travers, c’est son casting. On trouve dans It’s Always Sunny In Philadelphia un vrai esprit « troupe », trois des acteurs principaux œuvrant aussi en tant qu’auteurs et producteurs du show. On sent, au fur et à mesure que les épisodes avancent, une réelle complicité, non pas entre les personnages, mais entre leurs interprètes. Chose présente dans assez peu de séries, le casting donne réellement l’impression de s’amuser. Une joie communicative fait alors son apparition à chaque épisode.
Charlie Day, Glenn Howerton et RobMcEllhenney savent ce qu’ils veulent jouer, ce qui les amusent, et les forces et les faiblesses de chacun des acteurs. Toute cette bande semble alors marcher dans la même direction pour servir un humour qui leur est propre. Leur amitié en dehors de l’écran, et même plus, Rob McEllenhey et Kaitlin Olson s’étant mariés en 2008 et Charlie Day et Mary Elizabeth Ellis en 2006 n’est sûrement pas étrangère à la longévité de leur projet. La plupart des séries qui s’étalent sur autant de saisons perdent souvent de leur saveur, devenant une caricature d’elles-mêmes, s’embourbant dans une routine ennuyeuse. Ce n’est ici pas du tout le cas. Le show gagne en qualité d’écriture et en fun chaque année et ne donne à aucun moment l’impression de tirer sur la corde. Chaque saison contient des épisodes hilarants, les personnages s’enfonçant de plus en plus dans leurs travers.
Une série déjà culte
Le mot « culte » est bien souvent trop utilisé et il est difficile de s’y retrouver tellement le terme peut ressembler plus à un argument commercial qu’à un réel statut. On ne s’intéressera pas forcément ici aux audiences et prix que le show a pu avoir, mais plutôt à la fan base qu’il a engendré. Le programme, bien qu’apprécié par la critique, est surtout un succès populaire. Les répliques des personnages sont connues par cœur, des gens se tatouent leur portrait ou citations. Quand l’équipe de la série a monté une comédie musicale adaptée d’un des épisodes préférés des fans, ils ont fait salle comble partout où ils ont joué. Le programme a reçu un statut privilégié de par son humour noir, ses running gags hilarants et surtout parce qu’elle a su se dédouaner des clichés et codes de son style télévisuel.
Ici, pas de tension amoureuse entre les personnages principaux, pas de moments émotionnels à la musique larmoyante, pas de leçons sur l’amitié et sa beauté, et, quand ces codes sont utilisés, c’est pour mieux les dénoncer, les faire s’effondrer sur eux même. Le show est crade, noir, immoral et c’est ça qui lui donne une personnalité, un vrai caractère, loin de toutes les sitcoms utilisant les mêmes bases et clichés encore et encore jusqu’à l’épuisement.
It’s always Sunny In Philadelphia est une série atypique. Il est évident que son parti pris de base ne pourra pas plaire à tout le monde, mais il faut au moins l’éssayer tellement les aventures de ces personnages immoraux, déviants et mesquins sont divertissantes et donnent une autre image de l’humour que les sitcoms généralistes qui perdent en caractère à force d’essayer d’avoir un large public. C’est une série qui a su s’inscrire dans la durée sans perdre en qualité grâce à une équipe pleine de complicité et une écriture toujours inventive au fil des 10 saisons pour l’instant diffusées. Si le show dépend de l’entente entre l’équipe de tournage, esperons qu’ils restent amis pour longtemps.
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Par claireemarchal le 7 Février 2015 à 12:45
Louie, la vraie-fausse histoire d'un roi du Stand Up dépressif. Une série atypique et attachante.
Louie a été lancé en 2010 sur le network FX aux États-Unis et n’a depuis cessé d’être encensé par la critique américaine (deux Emmy awards pour « meilleure écriture dans une comédie » en 2012 et 2014, deux Critic’s choice television awards en 2012 et 2013 pour « meilleur acteur dans une série comique », nommé deux fois aux golden globes en 2013 et 2015 pour le même prix…).
Louie, c’est la vie fictive de l’humoriste de Stand Up Américain Louis C.K., quadragénaire, divorcé, déprimé. Plutôt que d’accepter un contrat avec une plus grosse chaîne, il accepte la proposition de FX de faire un pilote avec un budget moindre, mais un contrôle complet du processus créatif, chose assez inhabituelle dans le monde des séries télés. Il se retrouve alors avec les casquettes d’auteur, réalisateur, acteur et même dans les premières saisons, monteur. C’est cet élément qui fait de la série un objet atypique dans le monde de la sitcom, c’est une vision d’auteur, entière et franche.
Une construction différente, une série hybride
Le premier élément qui pourra désarçonner les spectateurs de Louie, c’est son format. En effet, la grande majorité des épisodes sont composés de deux scènes entrecoupées de moments de Stand Up, le tout lié par un thème plus ou moins explicite. Ce choix apporte à la série des scènes plus lentes, privilégiant l’installation d’une situation plutôt qu’une course au gag effrénée.
La construction narrative est elle-même chamboulée dans plusieurs épisodes et semble abandonner une certaine cohérence au profit du propos (sa sœur change régulièrement de personnalité et d’actrice, son père est présenté comme décédé, puis comme vivant…), même si, plus les saisons avancent, plus une cohérence s’installe et permet des histoires au long court, en plusieurs épisodes. Le style de la série vacille toujours entre comédie et drame, certains épisodes mêlant les deux, d’autres laissant clairement l’aspect comédie en retrait.
"Chaque jour commence et je relance le programme de la misère. J'ouvre mes yeux, me souviens de qui je suis, de quoi j'ai l'air et je suis juste... Ugh..."Rire de la déprimeLa vie de Louie est déprimante. Père divorcé, solitaire et en surpoids, le quotidien de l’humoriste ressemble parfois à un long soupir. Mais à tant voir l’absurdité et la cruauté du quotidien s’acharner sur notre héros, on rit. On rit toujours un peu jaune, priant pour ne jamais se retrouver dans la même situation, mais on rit quand même.
Louie nous parle de la vie de tous les jours de la manière la plus juste possible, pointant du doigt avec ironie et acidité les petites cruautés, humiliations et malchances de la vie - le show pourrait parfois s’appeler « la loi de Murphy : la série ». Mais malgré tout ce qui peut lui arriver, notre humoriste brille de par plusieurs moyens. Le premier étant les instants de Stand Up (tournés devant un vrai public, pour les besoins de la série), Louie debout sur scène, le micro en main, un sourire apparu sur son visage, fait rire. À propos de la mort, de l’amour, de la solitude, de la paternité, de la religion, du sexe, de tout. Son quotidien se fait alors carburant pour ces quelques minutes sur scène où l’on se moque du meilleur, et surtout du pire. Louie brille aussi de par sa paternité, il se démène pour être présent pour ses filles, pour veiller sur elles. À des années-lumière de la mièvrerie, de façon toujours juste et humaine, il nous dépeint l’amour profond du père pour ses filles, l’agacement tout aussi profond qu’un adulte peut avoir pour un enfant.
La forme en accord avec le fond
Sur le plan technique, Louie est toujours filmé avec beaucoup de sobriété, ressemblant un peu au cinéma indé américain de ces dernières années. Toujours simple et efficace, la mise en scène met en valeur les dialogues, et surtout, les acteurs. On pourra reprocher à Louis C.K. de se jouer lui-même, mais le fait est qu’il est toujours juste dans son embarras, dans sa maladresse, le rôle lui va comme un gant, ce qui n’est pas étonnant dans la mesure où il écrit son propre personnage. Ce qui est alors génial, ce sont les guests présents dans la série. Dans les personnages réguliers on retrouve une myriade de figures du stand-up d’outre atlantique, tous jouant une caricature d’eux même (Jerry Seinfeld, Chris Rock, Sarah Silverman, pour ne citer que les plus connus…). Ceux présents seulement pour un ou quelques épisodes, tout aussi talentueux, sont souvent des visages connus et même parfois, très connus (Matthew Broderick, Ricky Gervais, F. Murray Abraham, Robin Williams, David Lynch…). C.K. sait s’entourer, employant ses acteurs à la perfection, semblant capturer l’essence comique ou dramatique de chacun d’eux, bien que tous les visages ne soient pas familiers, les comiques étrangers n’étant pas extrêmement populaires dans l’hexagone.
La série format 20 minutes se fait de plus en plus inventive et sort peu à peu des carcans existants depuis les années 40. Certains diront que le terme sitcom n’est pas adapté à des séries comme Louie, qui rejette tous les codes du format et n’en garde que la durée. Mais pour moi, à tort ou à raison, le terme sitcom, ou situation comedy dans sa forme non contractée, s’applique parfaitement et montre surtout que le genre est en train de changer, de prendre des lettres de noblesse.
Que l’on aime ou non la série, que l’on soit sensible ou non à son humour et à sa narration, Louie est une sitcom d’auteur et redore le blason d’un style qui reste trop souvent vu comme un divertissement un peu stupide aux rires enregistrés abrutissants, la faute à des shows comme Big Bang Theory (ce n’est, bien sûr, qu’un avis personnel), qui usent jusqu’à la moelle des procédés éculés sans grande nouveauté et qualité d’écriture. Le fait devoir des auteurs s’approprier ce genre, des « artistes » si j’ose dire, fait le plus grand bien à un format trop souvent malaimé, à la création artistique en général et surtout, c’est important, à nos petits yeux de spectateurs.Louie ne plaira pas forcément au premier abord, le regard « doux-amer » posé sur le quotidien d’un quadragénaire divorcé ne peut pas parler à tout le monde. Mais si le show peut sembler sur le papier difficile d’accès et peu intéressant, surtout pour un jeune public, tout le monde peut s’identifier à ce personnage attachant, maladroit socialement, mal dans sa peau et dans sa vie. Louie, c’est un clown triste moderne, un être bon sur qui le destin semble parfois s’acharner et je défie quiconque de ne ressentir aucune empathie pour lui après quelques épisodes.
La série compte déjà 4 saisons, la 5e débute le 9 avril 2015, sur FX.
Critique et dessins : Quentin Hell
Louie : bande-annonce saison 1
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Par claireemarchal le 27 Janvier 2015 à 16:25
The Americans : Agent dormant ne dort jamais
Créée par Joe Weisberg, ancien agent de la CIA, The Americans est diffusée sur la chaîne FX depuis janvier 2013. Alors que la deuxième saison s’est terminée en mai 2014, la saison 3 sort le 28 janvier aux US, l’occasion pour nous de revenir sur deux saisons intenses.
L'Amérique espionnée par des américainsThe Americans, c’est l'histoire de deux vrais-faux américains tellement bien installés dans leur coquette banlieue de Washington qu'on se demande parfois combien de saisons il leur faudra pour délaisser la Cause et se fondre un peu plus dans le confort douillet de leur vie made in USA.
La Guerre Froide remise au goût du jour par le républicain Reagan élu à la Maison Blanche en ce début des années 80, donne du fil à retordre à nos agents infiltrés, espions obéissants et hyperactifs. Le programme Star Wars- n'oublions pas que Reagan est un ancien acteur-et la mise en place du bouclier spatial sur ordre présidentiel obligera les Jennings à gérer presque jour et nuit les turpitudes d'autres agents plus ou moins dociles, à subtiliser des plans ultra-secrets -le programme Echo - dans des conditions rocambolesques, à faire le « sale boulot » quand le Centre l'ordonnera, à exceller partout, dans leur vie familiale comme dans leurs activités au service de l'Empire du Mal.<o:p></o:p>
Cette seconde saison, mélange explosif de temps forts à base d'actions réglées au cordeau et de scènes plus intimistes où les problèmes familiaux, humains en somme, viennent s'infiltrer et finalement dérégler les plans bien tirés de la planification toute soviétique de ce couple épatant, nous replonge avec délice dans une période si proche et si loin à la fois.
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C'est d'abord le souci permanent avec lequel les scénaristes nous installent dans l'actualité tendue de cette époque - certains la découvriront, d'autres la revivront par le biais de cette fiction- qui fait la qualité de cette saison. Tout est là, en filigrane, décliné par touches successives, Reagan et ses obsessions anti-communistes hante métaphoriquement les couloirs du FBI, les agents sont sur les dents et certains perdront pied dans les bras d'une belle espionne venue de Vladivostock ; le sinistre KGB, représenté ici par la claustrophobique Residentura, bruisse des pires trahisons et complots. La menace pour chacun d'être renvoyé au pays du socialisme réél fait trembler chaque agent en poste à Washington et exacerbe sous nos yeux les luttes intestines les plus cruelles. Exfiltrations, renseignements hautement sensibles, confidences sur l'oreiller, déstabilisation en tout genre sont au menu quotidien de l'homo sovieticus d'alors aux prises avec la peu avouable tentation capitaliste.<o:p></o:p>
Mais la saison ne serait rien sans la famille Jennings, américains trop parfaits, couple rabiboché et attachant qui concentre tous les problèmes et apporte toutes les solutions. Ils sont présents sur tous les fronts. Agents de voyage en couverture et parents attentionnés at home, ils gesticulent en tout sens pour la Cause et s'interrogent quotidiennement sur les dangers encourus par leur progéniture, au gré de missions périlleuses, parfois hasardeuses, qu'ils mènent sans répit. Paige, leur ainée s'émancipe, se tournant -oh sacrilège ! Vers l'Eglise ! -et impose à ses géniteurs les affres de son adolescence occidentale. Sans parler du garçon, plus jeune et plus malléable, fondu de jeux vidéo qui n'hésite pas (comme papa!) à entrer par effraction chez les voisins pour jouer jusqu'à plus soif! Leurs parents effarés se demandant illico si l'Amérique permissive n'a pas totalement perverti leurs kids et s'ils ne s'éloignent pas à grands pas de leur véritable mère-patrie dont les enfants ignorent tout.
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<o:p>Une série hautement addictive </o:p>
Nous sommes cependant un peu trop souvent éblouis voire étonnés devant la capacité des deux agents à tout organiser partout et tout le temps. Des journées de 24 heures ne suffisent pas à ces deux-là! D'ailleurs, le réalisme revendiqué de la série en pâtit quelque peu mais l'alternance de scènes intimistes et de scènes plus« décoiffantes» et même brutales nous autorisent à y croire et agissent insidieusement sur le spectateur assidu que nous sommes. Nous sombrons alors peu à peu dans une addiction que les cliffhangers psychologiques et les péripéties tordues à souhait ne font qu'accélérer!<o:p></o:p>
Que dire alors sinon bravo aux scénaristes et metteurs-en scène d'avoir réussi un pari difficile: nous faire aimer sans retenue des personnages qui tuent et qui mentent au nom d'une idéologie désuète aujourd'hui, si meurtrière hier. Mais L'Amérique de Reagan n'en sort pas grandie pour autant -pas de place ici pour une vision manichéenne du monde!-, l'âme humaine est partout la même, déchirée et contradictoire, brutale et fragile.<o:p></o:p>
Un différence pourtant, la liberté n'a pas de prix, c'est l' Amérique qu'il faudrait croire mais la saison prochaine nous en parlera probablement !
Critique : Sylvie Noirez
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<o:p>The Americans : bande-annonce saison 1 </o:p>
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Par claireemarchal le 23 Novembre 2014 à 19:37
Orphan Black : l’identité à l’heure du clonage. Une série futuriste ancrée dans le réel pour un résultat envoûtant et hautement addictif.
Orphan Black, c’est l’histoire de Sarah Manning (Tatiana Maslany), une jeune punk rebelle qui fuit son copain Vic, ultra-possessif dealer de drogue à qui elle a volé en passant une bonne dose de cocaïne. Sur le quai de la gare, elle croise une femme qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau. Sous ses yeux, la jeune femme saute sous un train. Son suicide, bien que traumatisant, est une aubaine pour Sarah, en manque d’argent et à la recherche d’une couverture.
UNE TROUBLANTE HISTOIRE D’USURPATION D’IDENTITE
Sarah Manning devient alors Elizabeth « Beth » Childs, avant de découvrir que Beth, inspecteur de police, est impliquée dans le meurtre d’une innocente, ce qui l’a rendue accro aux médicaments et poussée, semble t-il, au suicide. Avant tout désireuse de piller le compte en banque de la défunte, étrangement bien fourni, Sarah s’embarque dans une histoire beaucoup plus compliquée qu’il n’y paraît : contrainte de vivre avec le petit-ami de Beth, soupçonnée par son partenaire le détective Arthur d’imposture, Sarah trouve refuge dans l’appartement-atelier de son frère d’adoption Felix, à la fois artiste et prostitué gay. Sarah découvre bientôt l’existence de ses autres « sœurs », copies-conformes qui mènent des vies radicalement différentes : il y a Alison Hendrix, maman-poule et mère au foyer banlieusarde dont le seul désir est de conserver son train-train quotidien et sa vie de famille. Au premier abord antipathique et froide, le personnage se creuse en profondeur au fil des épisodes : le cliché de la housewive se transforme bien vite pour laisser place à une véritable femme de tête, qui va jusqu’à séquestrer son mari pour lui soutirer des informations.
Sarah entre également en contact avec Cosima Niehaus, cliché geek par excellence : cette jeune femme aux dreads et grosses lunettes d’intello s’avère être dotée d’un QI hors-normes. Etudiante en biologie du développement, elle devient vite un élément clé de l’intrigue puisque c’est à travers elle que l’on apprend que Sarah, Alison et elle-même ne sont rien d’autre que des clones, et qu’il en existe d’autres sur les continents américain et européen.
Sarah, Alison et Cosima réalisent qu’elles sont le résultat d’expérimentations scientifiques d’une entreprise surpuissante, The Dyad Institute, dans une visée eugéniste. Surtout, elles sont menacées de mort par une autre clone fanatique, Helena, qui s’avère être la véritable sœur de Sarah. S’engage alors une quête de vérité pour ces femmes aux personnalités radicalement différentes, condamnées à une troublante identité physique commune.
DES PERSONNAGES HAUTS EN COULEUR
Tatiana Maslany, relativement peu connue avant son rôle dans Orphan Black, livre ici une véritable performance. La ressemblance physique des clones, d’abord frappante, s’évapore rapidement grâce à la grande palette de visages que l’actrice est capable d’interpréter. Les clones révèlent progressivement des caractéristiques inattendues : Alison n’est pas la mère au foyer coincée qu’elle paraît être, Sarah quitte son rôle d’arnaqueuse sans scrupules pour devenir contre toute attente la « leader » du groupe, Cosima développe une relation amoureuse avec une femme. Bref, la série présente des personnages hors normes, à l’image du foster brother de Sarah, Felix « Fee » Dawkins (Jordan Gavaris), qui vient pimenter l’intrigue d’une touche d’humour décalé.
Orphan Black est donc une série sur la dialectique apparence/identité. Sarah prenant l’identité de l’honnête Beth finit par se transformer en femme modèle ; désireuse de revoir sa petite fille qu’elle n’a pas vu pendant dix mois, Sarah décide de ne pas fuir avec l’argent mais de convaincre sa mère d’accueil de lui confier la garde de sa fille. Elle tombe amoureuse du petit-ami de Beth, Paul, avant d’apprendre qu’il a lui-même été engagée pour surveiller Beth la clone.
En manque de séries intelligentes et divertissantes ? Orphan Black est pour vous. La série canadienne s’affiche comme le prolongement de films dystopiques tels que The Island ou Bienvenue à Gattaca qui posent la question éthique du clonage à des fins eugénistes, et montrent la difficulté d’assumer une seule et même identité lorsqu’on n’est qu’une copie d’un autre . Créée par Graeme Manson et John Fawcett, la saison 1 a été diffusée pour la première fois en mars 2013. La saison 2 s’est terminée en juin dernier. La série a été renouvelée pour une nouvelle saison, prévue au printemps 2015.
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Par claireemarchal le 15 Septembre 2014 à 16:43
Breaking Bad, une drogue dure à consommer... Sans modération !
Née en 2008 sur la chaîne câblée AMC, le dernier épisode de la série a été diffusé en septembre 2013 après une cinquième et ultime saison riche en rebondissements. Le dernier épisode bat des records d’audience, le show croule sous les récompenses (seize Emmy Awards au total, le Golden Globe de la meilleure série télévisée cette année) et pourtant certains restent sceptiques, refusant de regarder une série dont la popularité ne serait pas nécessairement gage de qualité. Sacralisée par les médias, adoubée du public, la frénésie Breaking Bad n’est-elle pas un phénomène de mode ? Quelles sont les raisons de cet engouement autour de la « meilleure série de tous les temps » ?
UN SUJET ORIGINAL : LE VOYAGE INITIATIQUE DE DEUX LOSERS
Breaking Bad partait déjà avec un avantage de taille : l’originalité de son pitch. En suivant les déboires d’un prof de chimie mal dans sa peau, Walter White (Bryan Cranston, le père de Malcolm, vu plus récemment dans les films Drive et Argo), qui se lance dans le trafic de drogue pour subvenir aux besoins de sa femme Skyler (Anna Gunn) et de son fils handicapé Walter Jr (RJ Mitte), le créateur de la série Vince Gilligan se lançait dans un projet à la fois ambitieux et risqué.
*
Surdiplômé mais socialement déclassé, Walter mène une vie banale, minée par des difficultés financières. C’est lorsqu’il apprend être atteint d’un cancer des poumons incurable que le personnage de Walter va se métamorphoser : du dominé il va devenir dominant. Observant son beau-frère, le dur à cuire Hank (Dean Norris, tient un rôle principal dans Under The Dome), agent de la DEA (Drug Enforcement Administration), qui traque avec assiduité les labos de méthamphétamine du Nouveau Mexique, Walt va décider, n’ayant plus rien à perdre, de mettre à profit ses talents de chimiste. Renouant contact avec un de ses anciens élèves, le jeune délinquant Jesse Pinkman (Aaron Paul), les deux hommes qu’a priori tout oppose vont se lancer dans la quête d’une « meth » tellement pure que tout le monde ne tarde pas à s’arracher. Rapidement confrontés aux barons de la drogue, de Krazy 8 à l’ultra-violent Tuco, l’association au premier abord bancale de ce prof mourant et de cet ado en perdition va les mener à une lutte sans merci pour le contrôle d’un marché plus que lucratif.
DES PERSONNAGES A CONTRE COURANT
Walt et Jesse, anti-héros de base, font d’abord figure de comiques dans ce trafic où ils ne semblent pas pouvoir trouver leur place. Et puis Walt devient Heisenberg, mystérieux producteur de cette drogue d’exception. A partir de ce moment, le malade se métamorphose littéralement, tuant pour sauver sa peau et celle de son partenaire. Sa double vie le change du tout au tout, affectant sa vie de famille. L’excitation de cette vie secrète, du gain facile, vont jusqu’à lui faire oublier son objectif initial. Avide d’argent et de pouvoir, Walt devient progressivement l’un de ces mafieux sans âme. Jesse, contre toute attente, s’avère être le plus faible de l’équipe. Abandonné par ses parents, junkie, personnage attachant qui voit successivement son ami dealer et sa petite-amie héroïnomane mourir, en partie par sa faute.
Walt évolue dans un contexte familial compliqué. Sa femme, son fils, sa belle-sœur et son beau-frère forment un étau étouffant autour du malade, mélange d’amour fraternel et de rivalités cachées. Hank, rival affectif de Walter (il a tendance à prendre Walter Jr pour son propre fils) représente pour notre chimiste un autre danger, puisqu’il est déterminé à arrêter Heisenberg. Marie, sa femme, cleptomane, partage les soupçons de Skyler quant au comportement de plus en plus étrange de Walt. Bref, on l’a compris, Walt est loin d’être sorti d’affaire, et c’est tant mieux !
Il est donc difficile de ne pas céder au syndrome Breaking Bad, une série qui ne cesse de s’améliorer au fil des saisons. La cohérence du scénario, le jeu des acteurs, la justesse des dialogues en font une fiction à la fois réaliste et complètement barrée. Surtout, c’est l’intelligence d’une série réfléchie qui fascine : comment ces deux exclus que sont Walt et Jesse peuvent-ils aussi facilement passer du côté obscur ? Breaking Bad remet en question la morale d’une société capitaliste où l’argent fait tout et menace une morale en voie de disparition.
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