• The Last Man On Earth : un concept innovant porté par Will Forte, génial en survivant dépressif.

    Ce dimanche, FOX a lancé une nouvelle sitcom. Un nouveau programme bien loin de tout ce qu’on pourrait imaginer en entendant FOX et sitcom dans la même phrase. The Last Man On Earth, c’est l’histoire de Phil Miller, dernier homme sur terre. La critique américaine a été emballée par ce que propose le show. Que peut-on alors attendre de ce premier double épisode ?

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    Le dernier « homme » sur terre.

    C’est en 2020 que se passe notre histoire, un an après qu’un virus ait décimé la population mondiale, laissant Phil dernier représentant de son espèce. Les tous premiers instants nous montre un Will Forte désespérant de trouver d’autres humains, parcourant les USA dans un bus et laissant des messages sur des panneaux pour dire qu’il est bien vivant et qu’il réside à Tucson. Comme on peut facilement l’imaginer dans une telle situation, notre héros s’ennuie ferme. Il fait tout ce qu’il peut pour se distraire. Mais le vandalisme, la collection d’œuvres d’art et toutes les débilités qui lui passent par la tête ne lui suffisent pas. Phil se sent seul, aimerait un ami, aimerait revoir une femme et prie dieu chaque soir de lui envoyer quelqu’un pour lui tenir compagnie.

    Mais les jours, les semaines, les mois passent et rien ne vient. Notre héros sombre alors dans une folie douce, passant ses journées à se saouler au whisky ou dans sa piscine gonflable pleine de Margarita. Si bien qu’un jour Phil n’en puisse plus, et décide de mourir. Et c’est au dernier instant, avant d’écraser son pick-up dans un amas rocheux, qu’il voit, au loin, une fumée qui s’élève. Il n’est pas seul. 

    A l'origine de cette fumée, il rencontre Carol Pilbasian, dernière femme sur terre, jouée par la géniale Kristen Schaal (que certains auront peut-être déjà vu dans Flight of The Conchords, 30 Rock, Wilfred ou même entendu dans des dessins animés comme Adventure Time ou Gravity Falls).

    Les choses ne se passent pas vraiment comme Phil les avaient espérées. Et les deux derniers êtres présents sur la planète n’ont pas tellement d’atomes crochus, Phil vivant on en peut plus libre sans se soucier des lois ou règle du monde d’avant là où Carol s’accroche à la civilisation qu’elle refuse d’abandonner. Malgré une certaine mésentente, Carol emménage près de chez Phil et le mot est lancé : repopulation.

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    Un concept inventif

    Le show semble affirmer dès ses premiers instants la volonté de faire quelque chose de différent, d’inventif et d’audacieux : une sitcom Post-Apocalyptique. Will Forte est génial en seul survivant désabusé. Et tout ce qu’il met en œuvre pour vaincre son ennui est une réelle réussite humoristique. On nous dépeint un personnage lassé, revenant à l’état sauvage, vivant dans l’alcool et la crasse. Carol, vient alors pour le « sauver » de sa situation et les deux acteurs semblent avoir une réelle alchimie comique.

    Un coup d’œil sur la page Wikipédia du show suffit pour se rendre compte que d’autres acteurs entreront bientôt dans la vie de nos survivants : January Jones (Mad Men, X-men), Mel Rodriguez (Community) et Mary Steenburgen (30 rock, Wilfred, Orange is the New Black…) sont des visages attendus dans les épisodes qui suivent. Le casting est alléchant. Le programme se montre pour l’instant inventif, drôle et donne une bouffée d’air frais dans une représentation bien loin de The Walking Dead et autres pendants plus violents de l’apocalypse à la télévision en ce moment.

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    The Last Man on Earth a beaucoup d’ambition et semble bien parti pour les réaliser. La réponse viendra dans les semaines à venir et il faudra voir si le show réussi à garder son rythme et son ton sans tourner en rond. Une chose est sûre, l’optimisme est permis.

    The Last Man On Earth : extrait


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  • It's Always Sunny In Philadelphia : immoralité et humour noir dans ce qu'ils ont de meilleur. 

    En 2005, trois amis, Rob McElhenney, Glenn Howerton et Charlie Day, écrivent et filment dans leur appartement  un court métrage sur un homme se confiant à propos de son cancer à son ami, venu seulement pour lui emprunter du sucre. Le court une fois fini et monté, est montré à la chaîne FX en guise de pilote. C’est le début de It’s Always Sunny In Philadelphia, une des sitcoms les plus longues jamais diffusées à la TV américaine, en ce moment dans sa dixième saison, et déjà renouvelée pour deux de plus. Quelle est cette série qui malgré peu de nominations et de prix, dure depuis tant d’années et a même atteint, pour beaucoup, un statut de série culte ?

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    Des héros on ne peut moins nobles

    Le pitch de départ de It’s Always Sunny In Philadelphia est assez simple. On suit les mésaventures du « gang », cinq amis qui possèdent et travaillent dans un bar miteux du sud de Philadelphie. Les prémices du show semblent au premier abord vus et revus. Mais ce ne sont pas l’amour, l’amitié, la famille ou le travail comme c’est d’habitude le cas dans ce genre télévisuel, qui guideront nos héros dans leurs aventures. Leurs moteurs sont bien moins nobles : avarice, fanéantise, ignorance, malhonnêteté, egoisme, egocentrisme et mesquinerie.

    Tous les personnages se montrent plus immoraux les uns que les autres et, bien que censés être amis et collègues, leur quotidien n’est fait que de disputes, guerres intestines et arnaques en tout genre. Les défauts des personnnages son poussés à l’extrême : On retrouve Dennis (Glenn Howerton) narcissique, colérique et obsédé par son apparence, Charlie (Charlie Day), dysléxique, drogué et en dehors de la réalité, Dee (Kaitlin Olson) persuadée d’être la fille la plus drôle d’Amérique et véritable souffre douleur de son groupe, Frank (Danny DeVito), vieil escroc riche, malhonnête et bizarre, Mac (Rob McElhenney) luttant à chaque instant pour être le plus masculin et badass possible et ainsi refouler son homosexualité. En étant conscis, chacun des personnages de la série est absolument détestable.

    Ce sont ces défauts, apparents et extrêmes, qui rendent, paradoxalement, les personnages attachants, et surtout, éminemment distrayants. Ils ne reculent devant rien, que cela soit devenir accro au crack pour toucher des allocations ou coucher avec la mère de ses amis juste pour leur faire du mal, en passant par tous les coups bas et idioties que vous pouvez imaginer, et même plus. La plus grande force du show est alors celle-ci : il n’y a pas de sujet tabou, on peut se moquer de tout et de tout le monde.

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    Un vrai « gang » qui dure

    Le parti pris de la série d’avoir un humour noir sans concessions au mépris du politiquement correct et de la bienséance pourrait aisément tomber dans une facilité ennuyeuse et crasse, mais ce qui la sauve de tels travers, c’est son casting. On trouve dans It’s Always Sunny In Philadelphia un vrai esprit « troupe »,  trois des acteurs principaux œuvrant aussi en tant qu’auteurs et producteurs du show. On sent, au fur et à mesure que les épisodes avancent, une réelle complicité, non pas entre les personnages, mais entre leurs interprètes. Chose présente dans assez peu de séries, le casting donne réellement l’impression de s’amuser. Une joie communicative fait alors son apparition à chaque épisode.

    Charlie Day, Glenn Howerton et RobMcEllhenney savent ce qu’ils veulent jouer, ce qui les amusent, et les forces et les faiblesses de chacun des acteurs. Toute cette bande semble alors marcher dans la même direction pour servir un humour qui leur est propre. Leur amitié en dehors de l’écran, et même plus, Rob McEllenhey et Kaitlin Olson s’étant mariés en 2008 et Charlie Day et Mary Elizabeth Ellis en 2006 n’est sûrement pas étrangère à la longévité de leur projet.  La plupart des séries qui s’étalent sur autant de saisons perdent souvent de leur saveur, devenant une caricature d’elles-mêmes, s’embourbant dans une routine ennuyeuse. Ce n’est ici pas du tout le cas. Le show gagne en qualité d’écriture et en fun chaque année et ne donne à aucun moment l’impression de tirer sur la corde. Chaque saison contient des épisodes hilarants, les personnages s’enfonçant de plus en plus dans leurs travers.

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    Une série déjà culte

    Le mot « culte » est bien souvent trop utilisé et il est difficile de s’y retrouver tellement le terme peut ressembler plus à un argument commercial qu’à un réel statut. On ne s’intéressera pas forcément ici aux audiences et prix que le show a pu avoir, mais plutôt à la fan base qu’il a engendré. Le programme, bien qu’apprécié par la critique, est surtout un succès populaire. Les répliques des personnages sont connues par cœur, des gens se tatouent leur portrait ou citations. Quand l’équipe de la série a monté une comédie musicale adaptée d’un des épisodes préférés des fans, ils ont fait salle comble partout où ils ont joué. Le programme a reçu un statut privilégié de par son humour noir, ses running gags hilarants et surtout parce qu’elle a su se dédouaner des clichés et codes de son style télévisuel.

    Ici, pas de tension amoureuse entre les personnages principaux, pas de moments émotionnels à la musique larmoyante, pas de leçons sur l’amitié et sa beauté, et, quand ces codes sont utilisés, c’est pour mieux les dénoncer, les faire s’effondrer sur eux même. Le show est crade, noir, immoral et c’est ça qui lui donne une personnalité, un vrai caractère, loin de toutes les sitcoms utilisant les mêmes bases et clichés encore et encore jusqu’à l’épuisement.

     

            
    It’s always Sunny In Philadelphia est une série atypique. Il est évident que son parti pris de base ne pourra pas plaire à tout le monde, mais il faut au moins l’éssayer tellement les aventures de ces personnages immoraux, déviants et mesquins sont divertissantes et donnent une autre image de l’humour que les sitcoms généralistes qui perdent en caractère à force d’essayer d’avoir un large public. C’est une série qui a su s’inscrire dans la durée sans perdre en qualité grâce à une équipe pleine de complicité et une écriture toujours inventive au fil des 10 saisons pour l’instant diffusées. Si le show dépend de l’entente entre l’équipe de tournage, esperons qu’ils restent amis pour longtemps.         

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  • Cucumber, pilier d’une trilogie LGBT sans tabou, par Russel T. Davies, créateur de la pionnère Queer As Folk.


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    Alors que les séries sur la communauté LGBT peinent à voir le jour  dans l’hexagone, les showrunners anglais et américains ont eux depuis longtemps pris le pli. Parmi les plus mythiques, The L World, véritable référence pour la communauté lesbienne, ou encore Queer As Folk qui a vu le jour dans les années 90. Comment expliquer la quasi-absence de personnages homosexuels dans les fictions sérielles françaises, alors que le cinéma a depuis longtemps franchi le pas, avec les très explicites La Vie d’Adèle et L'Inconnu du Lac ? Rares, voire inexistants, sont les shows entièrement consacrés à la communauté gay. Les chaînes restent encore frileuses, dans un contexte social malgré tout encore tendu – manif pour tous et j’en passe -. Bref, il semblerait que la perspective d’une série française 100% LGBT relève encore de l’utopie.


     
     
     
    La dynamique des séries LGBT anglo-saxonnes

    Un conservatisme français qui apparaît avec autant de force que nos voisins anglais ont depuis longtemps décidé de faire de ce thème un sujet de prédilection : très tôt, les shows britanniques ont intégré des storylines axées sur la recherche et la découverte d’une identité sexuelle autre, passage obligé de l’adolescence.

    Cette thématique, on la retrouve dans des séries emblématiques telles que Skins, qui a marqué une génération d’adolescents en exposant des jeunes adultes en quête d’eux-mêmes. On y suivait notamment le parcours initiatique d’Emily et Naomi, couple contradictoire et attachant, qui montrait la difficulté d’accepter et d’assumer une sexualité différente de la norme. Outre-atlantique, c’est l’excellent teen show Pretty Little Liars qui prenait le relais quelques années plus tard, en incluant dans sa trame narrative l’histoire lesbienne d’un de ses personnage principal, la belle et très féminine Emily, venant ainsi mettre à bas le cliché de la lesbienne masculine.

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                                                                                                  Transparent, Amazon Studios
     
    Il est vrai que les séries LGBT restent l’apanage des chaînes premium, soumises à moins de censure et donc nécessairement plus audacieuses : The L World a vu le jour chez Showtime, la plus récente Looking chez HBO. Parmi les bonnes surprises de cette année, on retrouve Transparent, une série Amazon Studios, qui centre son intrigue sur un homme qui aime s’habiller en femme. L’autre bonne surprise, plus récente, nous vient d’Angleterre et est sortie le 22 janvier dernier sur la chaîne Channel 4 : c’est Cucumber, pilier d’un tryptique gay original et addictif. 
     
     
    La déconstruction des clichés

    Cucumber fait partie d’un tryptique fictionnel qui englobe en tout trois programmes étrangement intitulés Cucumer, Banana and Tofu. Une trilogie imaginée par Russel T. Davies, père de Queer As Folk et scénariste sur Torchwood et Doctor Who. Ce serait après avoir lu un article scientifique sur les stades de l’érection qu’il aurait eu l’idée de ces titres : de «tofu » (mou) à « cucumber » (dur), la signification devient du même coup beaucoup plus transparente.

    Forte de ses 45 minutes et de sa diffusion en prime-time (le jeudi soir à 21h), Cucumber constitue la tête d’affiche de ce trio. Banana (20’), diffusée dans la foulée, est une spin-off centré sur les personnages plus jeunes de Cucumber, ce qui engendre parfois des crossovers assez drôles entre les deux shows. Tofu se distingue de ses grandes sœurs puisqu’elle quitte l’univers fictionnel et propose une série documentaire centrée sur les joies et peines de la gay way of life.

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    Russel T. Davies propose donc au spectateur une immersion totale dans un mode de vie particulier, une façon pour lui de contrer les nombreux clichés sur l’homosexualité. A travers un personnage principal particulièrement complexe, l’excentrique Henry Best (Vincent Franklin), le showrunner s’interroge : l’homosexualité est-elle une identité à part entière ? Peut-on être défini par sa sexualité ? Henry semble parfaitement coller au cliché gay : attiré par le corps masculin, fan de Kylie Minogue et adepte des chemises trop serrées, il n'y a pas de doute quant à son identité sexuelle.

    Malgré tout, les failles du personnage sont rapidement révélées, jetant une lumière nouvelle sur cet homme qu’on croyait sans surprise : Cucumber , c'est aussi l’histoire de la phobie sexuelle d’Henry, 46 ans, qui n’est jamais véritablement passé à l’acte, de sa rupture avec son petit-ami de longue date, Lance (Cyril Nri), après une demande en mariage catastrophique. Bref, Cucumber montre la normalité d’un couple gay : la lassitude, l’ennui, la peur de s’engager, l’excitation d’une nouvelle rencontre, le désir sexuel : rien de plus universel dans une série pourtant très orientée.

    Interprété par le très bon Vincent Franklin (vu dans L’Illusionniste, La mémoire dans la peau), Henry se retrouve donc à la rue et sans le sou, et se réfugie dans l’immense loft de Dean (Fisako Akinade) et Freddie, deux jeunes collègues de travail (et gays bien sûr !). Henry redécouvre la vie d’un jeune homosexuel, fantasme sur son colocataire Freddie (Freddie Cox, vu dans Pride), bel éphèbe blond au corps finement musclé, qui déambule en caleçon et change de partenaires sexuels comme il change de chemises. Jubilatoire, Henry annonce à son ex petit-ami, « We all live togethier in a great big gay house, being gay ! ».

    Diffusée depuis le 22 janvier sur Channel 4, Cucumber comptera huit épisodes. Très addicitve, la série a parfois tendance à virer au soap-opera. Heureusement pour nous, l’originalité et l’anti-conformisme du personnage principal maintiennent Cucumber au rang de bonne série, où la réflexion de fond se mêle à la légèreté apparente de l’intrigue. 

    Cucumber, Banana, Tofu : bande-annonce

     

     

     

     

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  • Better Caul Saul, le retour de l’avocat véreux de Breaking Bad. Une série tragico-comique réussie, qui se détache de sa mythique grande sœur. 

    En juillet 2012, Vince Gilligan parle d’un possible spin-off de Breaking Bad se concentrant sur l’avocat véreux et amusant de Walter White et Jesse Pinkman. Les fans, évidement, s’emballent. En avril 2013, la série est annoncée officiellement. C’est en deux parties, dimanche et lundi, qu’est passée cette introduction des aventures de James "Jimmy" McGill, sept ans avant sa rencontre avec notre professeur de chimie préféré, et avant qu’il n’adopte son pseudonyme : Saul Goodman

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    Un spin-off qui trouve vite son identité
     
    Les spin-off sont souvent décevants, les chaînes misant sur la popularité d’un show, usant d’équipes moins talentueuses et d’histoires moins bien écrites pour se faire de l’argent facilement. C’est cette appréhension que nous avions en regardant le pilote de Better Call Saul, tout de même un peu rassuré par la présence de Vince Gilligan et Peter Gould aux manettes, de Bob Odenkirk et Jonathan Banks au casting. 

    Les premières minutes de la série nous dépeignent un Saul Goodman post-Breaking Bad: moustachu, déprimé, craintif, forcé de se cacher et ruminant une gloire passée. Quelques minutes silencieuses, en noir et blanc, qui font immédiatement penser à ces moments qui ouvraient régulièrement les saisons et épisodes de la série dont il est dérivé. Mais notre avocat s’installe dans son fauteuil, insère une cassette dans son magnétoscope. On entend alors les fameuses publicités de l’âge d’or de notre héros, et peu à peu, les couleurs reviennent, subtilement, dans les lunettes du vieux Saul. Le show semble alors crier: « Breaking Bad, c’est fini! Better Call Saul c’est parti! ».

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    Le Saul Goodman post-Breaking Bad : portrait d’un loser 
     
    On retrouve tout de même le style Gilligan : une esthétique soignée mais jamais tape à l’œil, des cadrages dont l’originalité accentue l’efficacité ainsi qu’une palette de couleurs, décors, ambiances et lumières, le Nouveau-Mexique semblant convenir parfaitement au showrunner. Toutefois si vous vous attendiez à voir un Breaking Bad bis, vous serez déçus. Dès le début, malgré une esthétique similaire, le ton semble différent, de par le personnage sur lequel on se focalise. Il est ici au tout début de sa carrière. Fauché, avec une clientèle inexistante et un bureau miteux, le personnage d’Odenkirk amuse de par son côté loufoque et malchanceux, une espèce de raté flamboyant qui cherche à trouver sa place en tant qu’avocat respectable.

    Le personnage pourrait être tout droit issu d’un film des frères Cohen, tellement la lose semble inscrite dans son ADN. Notre héros prend alors ici beaucoup plus d’épaisseur : on lui découvre un quotidien, des frustrations, un frère et sort assez vite du carcan d’avocat rigolo pour devenir un personnage aux multiples facettes, à la fois grave et amusant, honnête et magouilleur. Et si à la fin du premier épisode on pourra croire que la série a des velléités comiques, la seconde partie du pilote nous rappellera l’univers dans lequel se passe cette histoire, celui de la pègre, de la drogue, de la violence. Et c’est l’angle choisi pour le décrire qui dénote et marque une profonde différence avec le show original. Le héros n’a plus la même place dans cet univers, et nous permet de le voir d’une autre manière, sans impression de redondance mais plutôt avec la fraîcheur d’un regard neuf.

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    Better Call Saul s’impose magistralement en deux épisodes grandioses, rappelant parfois ses origines sans être lourd. Le show reste accessible au plus grand nombre, ne nécessitant pas d’avoir vu Breaking Bad au préalable pour le comprendre, même si cela ne le rend que plus appréciable. On retrouve une écriture et une esthétique connue, mais utilisée pour mettre en valeur un angle différent du monde criminel. On ne peut alors que recommander ce pilote pour sa qualité d’écriture, son ambiance fun et pour assister à la genèse de, ce qui sera sas doute une grande série drama, avec une bonne dose d’humour noir.

    Critique et dessins : Quentin Hell

    Better Caul Saul est diffusée depuis le 8 février sur la chaîne câblée AMC.

    Better Call Saul saison 1 : bande-annonce

     


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  • Fortitude, quand une petite communauté isolée d'Islande est bouleversée par un meurtre. Un démarrage lent mais une atmosphère intrigante.

    Fortitude est l’un de projets les plus ambitieux du network anglais Sky Atlantic, après le succès de sa série coproduite avec le français Canal + l’année dernière, Tunnel . Le pilote de Fortitude a, a priori, tout pour lui : créé par Simon Donald (Low Winter Sun), tourné dans un décor naturel grandiose (les glaciers islandais), la série se targue d’un casting hors-normes pour un pilote long d’une heure et demie, – au premier rang duquel figurent les stars Stanley Tucci (Hunger Games), Michael Gambon (le Dumbledore des Harry Potter), l’excellent Christopher Eccleston, récemment vu dans la série HBO The Leftovers ainsi que la talentueuse Sophie Grabol, l’intrépide Sarah Lund de The Killing version danoise. Bref, la chaîne a tout misé sur ce thriller scandinave aux sérieux airs de Twin Peaks. Pari réussi ? 

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    Dans l’ombre de Twin Peaks

    Il en faut, de la « fortitude » (du courage, en français), pour s’immerger véritablement dans l’univers étouffant de cette communauté polaire, installée en plein blizzard au pied d’un glacier menaçant. Plus qu’une référence à la mythique Twin Peaks, on trouve parfois de véritables analogies avec la série la plus étrange de tous les temps : l’univers sonore de Fortitude rappelle les synthés pesants de la BO d’Angelo Badalamenti, compositeur fétiche de David Lynch à qui l’on doit également l’ambiance musicale anxiogène de Mulholland Drive. Et pour cause : Fortitude nous installe dans un flou ambiant : on s’attend à un meurtre qui n’arrive qu’à plus de la moitié de l’épisode ; le temps pour la série de poser les bases, de présenter les protagonistes dans leurs petits secrets et leur vices cachés.

    Seulement, le show souffre d’une mise en place trop longue. Dans un régime de concurrence rude où le pilote doit accrocher rapidement le spectateur, il n’est pas garanti que ce pilote qui par moments paraît interminable fasse ses preuves. Et pourtant, la suite est intéressante : Fortitude prolonge (consciemment ?) l’analogie avec Twin Peaks : le scientifique Charlie Stoddart (Christopher Eccleston) est retrouvé mutilé chez lui par l'ambigu sheriff Dan Anderssen (Richard Dormer). Dan est un personnage typiquement lynchéen : en apparence membre fédérateur de la communauté, gardien de l’ordre et de la paix. En réalité, assoiffé de pouvoir et de reconnaissance, il est prêt à tout pour garder sa position alors qu’arrive l’enquêteur étranger à la communauté et donc un potentiel rival, Eugène Morton (Stanley Tucci). En outre, comment ne pas voir dans le Glacier Hotel Project de la business woman Hildur Odegard (Sophie Grabol) le reflet de l’ambition d’un Ben Horne et de son Grand Nothern Hotel dans TP ?

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    Des questions sociale, politique et écologique

    Fortitude vend du rêve, sur le papier en tous cas. Hildur, femme d’affaire redoutable et responsable politique de la communauté (tout le monde l’appelle ‘The Governor’) fait de ce rêve son fonds de commerce. Habituée aux rôles de femme de tête, Sophie Grabol interprète ce rôle avec brio et justesse. Secondée par le sheriff Dan, Hildur doit donc protéger ses intérêts (économiques) en même temps qu’elle a pour devoir (politique) de trouver le coupable.

    Pour certains donc, Fortitude s’avère être une opportunité formidable, une véritable mine d’or géologique et touristique. Pour d’autres, elle semble plutôt virer au cauchemar, tel un étau se refermant doucement sur ses habitants piégés dans la glace. A défaut de ce qu’explique une des scientifiques à un nouvel arrivant, tout le monde n’y est pas heureux. La stratification sociale s’y fait tout autant sentir, si ce n’est plus, qu’ailleurs. Les mineurs triment dans le froid tandis que les riches vendent leurs projets hôteliers et étudient les phénomènes biologiques de cet écosystème bien particulier. Des conflits sociaux qui pourraient être autant de mobiles pour un meutre...

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    Fortitude, « the safest place on earth » ? Pas si sûr, au vu des événements qui viennent bouleverser la soi-disant quiétude qui y règne. Si elle prend (peut-être trop) son temps pour installer son intrigue et ses personnages, la série parvient à entraîner le spectateur dans un thriller psychologique intriguant mais qui manque de personnalité. A l’heure de la multiplication des séries du même genre (une communauté fermée, un meurtre, une remise en cause de l’organisation sociale), Sky Atlantic utilise un schéma narratif connu, sans grande innovation. 

    La diffusion de Fortitude a débuté le 29 janvier outre-manche, et comptera 12 épisodes.

    Fortitude : bande-annonce saison 1


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