-
Par claireemarchal le 22 Février 2014 à 18:48
Broadchurch... Mais qui a tué Danny ?
La série créée l'événement partout où elle passe. Après avoir, l'année dernière, enflammé les écrans anglais sur la chaîne privée ITV, elle est depuis le mercredi 19 février diffusée en primetime sur France 2, qui a à cette occasion enregistré des records d'audience.
Broadchurch est une fiction qui se veut épurée dans son intrigue : un meurtre, traumatisant pour une communauté très (trop) tranquille où l'inhabituel effraie. L'horreur de l'infanticide, qui vient évidemment faire écho à la mythique Twin Peaks ou encore aux troublants Revenants, en constitue l'élément déclencheur, venant perturber profondément la quiétude de cette petite bourgade du sud de l'Angleterre.
C'est le corps d'un jeune garçon de 11 ans, Danny Latimer, qui est découvert sur la plage au pied d'une impressionnante falaise. Des deux détectives chargés de l'enquête, l'une (Olivia Colman) est mère de famille, membre de la communauté et du même coup incapable de se montrer objective (son fils étant le meilleur ami de Danny). L'autre, étranger, est un policier doué mais dont la réputation a été détruite par l'échec de sa précédente enquête. Taciturne et apathique, il méprise ouvertement la ville et ses habitants (David Tennant, le dixième Doctor Who). On retrouve en fait quasiment le même schéma que celui du duo de Tunnel, si ce n'est que les rôles homme-femme sont ici inversés.
Comment Danny est-il mort ? Qui, dans ce village où tout le monde se connaît, a pu commettre un tel acte ?
Peu à peu, les suspicions s'installent, le doute s'immisce partout. On se rend compte que le coupable pourrait être n'importe qui, dans ce village où tout le monde se ressemble, où l'intime et le social ne font qu'un : les parents, le père surtout, qui refuse d'avouer ce qu'il faisait la nuit du meurtre, le meilleur ami, qui efface paniqué les derniers messages de Danny, la femme qui vit dans une caravane, à deux pas de la plage, et qui cache le skateboard de la victime dans son armoire... Dans l'espace fermé et étouffant d'une communauté trop soudée, le mensonge éclate avec d'autant plus de force qu'il détruit ce que tout le monde croyait savoir sur l'autre. Au fil des épisodes, l'attente se fait plus forte, le nœud narratif se complexifie et le rythme s'accélère, tenant le spectateur en haleine jusqu'au bout.
Cette série intéresse aussi par sa capacité à introduire des pauses dans l'intrigue. La bande-son angoissante, répétitive, accompagne des plans rapprochés de la mère, errant seule sur la plage ou au supermarché, essayant de continuer à vivre normalement et d'échapper à la pitié insupportable que lui témoigne les autres habitants. C'est son parcours initiatique, sa tentative de faire le deuil de son fills, que l'on suit en parallèle à l'enquête. Symboliquement, on apprend dès le premier épisode qu'elle attend un enfant, signe implicite d'une renaissance difficile, d'un retour forcé au goût de vivre.
En somme, cette série de 8 épisodes (45min) ne peut que rendre accro ! Les acteurs brillent par leur justesse, la réalisation subtile permet de multiplier les points de vue, et de voir à quel point la progression de l'enquête et les secrets qu'elle vient dévoiler vont bouleverser Broadchurch et ses habitants. A voir au plus vite !
votre commentaire -
Par claireemarchal le 9 Février 2014 à 02:42
Hannibal, ou le retour du terrifiant Dr Lecter... Une série littéralement dévorante !
La série événement Hannibal est de retour sur la chaîne américaine NBC pour une troisième saison le 4 juin prochain aux US, l'occasion donc présenter à ceux qui n'auraient pas encore sauté le pas, le pilote d'une première saison pour le moins sanguinaire...
Directement inspirée du roman Red Dragon de Thomas Harris (écrit avant The Silence of the Lambs), la série met en scène le jeu de cache-cache entre un psychologue cannibal, le Dr Lecter, et un agent spécial du FBI, le talentueux mais torturé Will Graham, doté d'un don "d'empathie pure".
Du fait d'une imagination hors normes, l'enquêteur peut se refigurer mentalement la scène de crime et le moment même du meurtre, se mettre dans la tête du tueur pendant quelques instants, ne faire plus qu'un avec lui. Si bien qu'il en devient un personnage ambivalent, à la fois victime de ce don et meurtier potentiel. La première scène du pilot plonge le spectateur dans la confusion et l'angoisse : le trouble psychologique de Will est évident, l'image est floue, les plans saccadés, la bande-son pressante. Le ton de la série est donnée et se confirme dans le reste de l'épisode : Hannibal est bel et bien destiné à nous faire frissonner.
Le Dr Lecter ne fait son apparition qu'au milieu de l'épisode. Attablé, il découpe soigneusement un morceau de viande qu'il avale, visiblement avec satisfaction. Alors que les enquêteurs viennent de découvrir que le tueur présumé des huit jeunes filles disparues est un mangeur d'organes, autrement dit, un serial killer cannibal. Le visage carré et lisse, calme et serein, de l'acteur danois Mads Mikkelsen, contraste avec la mine inquiète et les traits tirés de Will Graham. Déjà là s'établit un parallèle entre les deux personnages, une dualité sur laquelle se construit la série. Ironie du sort, c'est par le biais de la psychanalise que les deux hommes se rencontrent : le docteur, paradoxalement brillant psychologue, va être chargé par le chef du département des Behavioral Sciences du FBI Jack Crawford (Laurence Fishburn, le Morpheus de Matrix !), inquiet de l'état de Will, d'établir son profil psychologique... Du coup, les jeux de miroir sont omniprésents : Lecter étudie Graham, qui lui étudie Lecter, sans le savoir. Tous deux engagés dans une sorte de cercle psychique infernal, d'où aucun ne sortira vraisemblablement indemme.
Hannibal tient en haleine de bout en bout : la rapidité avec laquelle s'enchaînent les plans contribue à l'impression de flou spatio-temporel, reproduisant ainsi la confusion mentale dont est victime Will Graham. La série propose ainsi aux spectateurs une expérience inédite : celle de s'immiscer dans la conscience d'un personnage, au moment même ou celui-ci revit celle d'un autre. En somme, une mise en abyme dérangeante, rendue possible par une mise en scène audacieuse. Ames sensibles s'abstenir, comme même, pour les scènes de découpage de poumons et autres...
votre commentaire -
Par claireemarchal le 6 Décembre 2013 à 22:04
La série franco-britannique The Tunnel, un conte noir sur fond de critique politico-sociale. A voir !
C'est la série événement de Canal +, celle aux affiches promotionnelles alléchantes, qui m'ont forcément donné envie d'y jeter un oeil ! D'autant que la chaîne est l'une des rares en France à réaliser et à produire des séries qui en valent la peine, comme on a pu le voir avec l'excellent Maison Close, et plus récemment avec Les Revenants.Mais de là à brandir le label de "création originale"... L'idée de la série est en réalité loin d'être neuve, elle est même directement inspirée d'une coproduction suédo-danoise intitulée Bron (littéralement Le Pont) sortie en 2011, qui a fait l'objet d'un premier remake américain, The Bridge, diffusé cet été sur la chaîne FX. Les deux versions reproduisent le même modèle : deux enquêteurs, de nationalités, et surtout de personnalités, différentes, sont contraints de travailler ensemble lorsqu'est découvert un cadavre de femme, déposé à la jonction des deux frontières; cadavre qui se révèle être composé non pas d'un, mais de deux corps...
Dans le cas de The Tunnel, c'est le buste d'une femme politique française et les jambes d'une prostituée anglaise qui sont retrouvés, "assemblés" et déposés soigneusement au mid point de l'Eurotunnel. La symbolique du cadavre donne le ton de la série : l'assassin ne sera pas un Dexter désireux d'assouvir ses pulsions meurtrières, mais bien un militant politique, un de ces anonymous plus extrémiste que les autres. Cette petite voix nasillarde qui nargue les enquêteurs, c'est celle d'une critique ascerbe d'un système politico-social foncièrement injuste, marqué d'un euroscepticisme poussé à son paroxysme (au début du second épisode, parvenu à pirater les réseaux de la police anglaise, il diffuse les images du corps démembré et commente ironiquement "Look, she comes apart, like the Eurozone")
The Tunnel est une série polémique sur une réalité sociale dure et violente. C'est au travers du personnage d'Elise Wasserman, l'apathique enquêtrice française, que se construit également une critique des apparences et des normes sociales. Elle est à la fois la Sarah Lund de The Killing et la Carrie Mathison d'Homeland : obsédée par son enquête, géniale mais asociale, éternellement seule, elle fait partie de ces femmes qui sont sorties de leur condition féminine en abandonnant leur "normaliité".L'actrice Clémence Poesy (Fleur Delacour dans HP), teint pâle et yeux limpides, correspond parfaitement au rôle. L'anormalité d'Elise est contrebalancée par le conformisme de son homologue masculin, le très jovial Karl Roebuck (Stephen Dillane, le Stannis Baratheon de Games of Thrones !) qui débite des blagues très british à longueur de journée. Marié et père de famille, il semble tout le contraire de la solitaire Elise. On devine que cette enquête va progressivement se transformer en expérience cathartique, et nous fera douter de cet antagonisme au premier abord si évident (la ressemblance de leurs noms, tous deux d'origine allemande, en est déjà, il me semble, le signe).En somme, il serait dommage de passer à côté de cette série, qui par son esthétique sombre et froide (une bonne partie de la série se déroule à Calais, dans une zone portuaire grisâtre), rappelle l'ambiance particulière des fictions scandinaves. Pour voir le trailer, c'est ici !
1 commentaire -
Par claireemarchal le 25 Novembre 2013 à 00:59
Masters of sex, où comment lever le tabou de la sexualité dans l'Amérique puritaine et conservatrice des années 50.
Masters of Sex (voir le trailer ici) s'inspire de faits réels, de la vie de héros peu conventionnels qui ont révolutionné, en leur temps, la sexualité, en contribuant à en faire un domaine scientifique à part entière.
Dr. William Masters, brillant docteur en obstétrique, est prêt à sacrifier sa carrière pour publier un livre dévoilant les mécanismes de la sexualité, sujet encore très tabou dans le milieu médical américain des années 50. 'I just want to know what happens to the body during sex', dit-il au directeur de l'hôpital, outré à l'idée d'un tel sujet d'étude. Pour le docteur Masters, c'est l'interdit moral qu'on pose sur la sexualité qui doit être dépassé au nom de la science.
Incarné par un Michael Sheen (Tony Blair dans The Queen de Stephen Frears) tout en nuances et contradictions, William Masters est bien difficile à cerner : d'un égocentrisme remarquable et d'une impassibilité qui le met d'entrée de jeu à part, il n'est pas particulièrement sympathique. Envers sa femme en particulier, fragile créature rongée par la culpabilité de ne pouvoir « lui donner » d'enfants. Lits séparés, rapports sexuels froids et pénibles, contrastent radicalement avec l'objet d'étude du docteur qu'est l'analyse scientifique du plaisir, féminin en particulier.
Cet épisode fonctionne donc sur les contradictions internes des personnages. Le docteur est d'emblée attiré par la nouvelle secrétaire, Virginia Johnson (Lizzy Caplan, la petite-amie de Jason dans True Blood saison 1), une brune séduisante, aux mœurs libres et au franc parler inhabituels chez une femme à l'époque (une féministe, en somme !). Choisie (sans surprise) par Masters pour l'assister dans son projet, elle recrute des sujets d'études féminins, leur déclarant même dans un élan de rhétorique plutôt sincère ; 'we'll probably be the biggest change to women's lives since the right of vote'. Ce qui, finalement, se confirmera.
On pourrait s'attendre à ce qu'une telle série multiplie les scènes de sexe. En réalité, le spectateur est mis à la place du scientifique : l'orgasme, on se l'imagine en regardant les traits s'affoler sur l'électrocardiogramme relié aux cobayes "en action". Tout est suggéré, presque rien n'est montré. En fait, c'est le scientifique lui-même qui est ici observé, c'est son rapport paradoxal et conflictuel à l'amour (de sa femme) et au désir (de Virginia) qui est donné à déchiffrer au spectateur.
► En bref, j'ai été agréablement surprise par cette série sur laquelle, j'avais, il est vrai, quelques préjugés. Mais les productions de la chaîne américaine Showtime déçoivent rarement ; après Dexter et Homeland, Masters of Sex s'annonce déjà comme l'une des grandes séries du moment. Directement inspirée de la biographie de Thomas Maier du même nom,et diffusée depuis la fin septembre, la série attire une moyenne de 5 millions de spectateurs par épisode. Face à ce succès, la chaîne a confirmé fin octobre le tournage d'une seconde saison en 2014 !
1 commentaire -
Par claireemarchal le 12 Novembre 2013 à 00:44
Unité 9, la série carcérale made in Québec !
Les séries centrées sur l'univers de la prison seraient-elles à la mode ? Pas étonnant, au vu des possibilités de réflexion qu'ouvre la mise en situation de personnages dans un univers clos et fondamentalement hostile. Le thème principal, c'est alors celui de la découverte, parfois violente, de son soi véritable, dans cette jungle carcérale où les apparences sociales et les politesses de rigueur n'ont plus lieu d'être. Unité 9 partage avec sa consoeur américaine Orange Is The New Black la légèreté de la comédie mais nous plonge avec davantage de profondeur dans les difficultés et les conflits de la vie carcérale.
L'intrigue est centrée sur le personnage de Marie LaMontagne, mère de deux enfants et incarcérée pour tentative de meurtre sur son père au pénitencier pour femmes de Lietteville. La protagoniste n'arrive à la prison qu'à la fin d'un premier épisode qui se situe en fait sur trois plans distincts. Celui, d'abord, de la famille de l'accusée, du point de vue de sa fille surtout, observatrice impuissante de la déchéance de sa mère. Celui ensuite Marie elle-même que l'on nous montre ; assise dans une cellule étroite, debout dans le boxe des accusés à l'écoute de sa sentence (sept ans de prison), elle apparaît d'ores et déjà coupée du monde. Celui, enfin, des détenues elles-même, futures compagnes de Marie dans la fameuse « Unité 9 ».
Paradoxalement, la phobie de l'enfermement qu'exprime Marie contraste avec l'apparente liberté des détenues de l'Unité 9, qu'on voit déambuler, presque librement, dans la prison. Cette unité, c'est au premier abord une colocation entre copines, avec cuisine et salle de bain communes.
En fait, cette prison sans barreaux que découvre, étonnée, Marie au début du second épisode, ne donne que très furtivement l'impression de liberté, comme le lui rappelle la timide Suzanne Beauchemin, évoquant l'absence de barreaux aux fenêtres : « dès fois j'trouve que ça manque parce-que on finit par oublier qu'on est en prison... mais il y a toujours quelqu'un pour nous rappeler qu'on est toujours ici » dit-elle d'une voix lasse. La scène de fouille à nu qui précède ancre déjà la série dans une réalité carcérale violente, où l'individu perd la possession même de son corps.
Mais, et sur ce point Unité 9 est comparable à Orange is the New Black, la prison est aussi un espace de solidarité et d'amitié féminines, visibles quand par exemple les détenues vont jusqu'à subtiliser les bougies de la chapelle pour fêter l'anniversaire de la doyenne et chef en quelque sorte autoproclamée de l'Unité 9, Elise, vol innocent mais qui sera pourtant sévèrement puni.
► Je vous conseille donc cette série qui nous pénètre par son réalisme et sa justesse. L'héroïne, quarantenaire, mère de famille, est bien loin de la Piper Chapman d'OITNB. Sa claustrophobie, son hébétement perpétuel face à ce qui lui arrive, laisse présager une suite difficile dans cette unité 9, qui, on le devine, va être le centre de nombreuses péripéties. La série est un gros succès au Québec où une quatrième saison sortra en septembre prochain.
votre commentaire
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique