• Indian Summers : une fiction historique sur le déclin de l’empire Britannique. Un soap-opéra délicat sur fond de paysages grandioses.


    Si les US dominent largement la production sérielle, les anglais ne sont pas non plus en reste, et le prouvent largement par des séries de qualité (on pense à l’excellente Black Mirror) qui puisent dans tous les genres, de l’ultra-réalisme au fantastique. Le succès mondial du drame historique Downton Abbey est la marque même de cette vitalité de la création outre-manche. Justement, Channel 4 diffuse depuis le 15 février une nouvelle série historique à gros budget (la production la plus chère jamais réalisée par la chaîne), un petit bijou esthétique centré sur le déclin de l’Empire britannique en Inde. Répondant au doux nom d’Indian Summers, on y suit les derniers jours de la domination anglaise et l’effondrement de son empire colonial.

     

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    Créée par Paul Rutman, Indian Summers est en fait une coproduction américano-britannique avec la chaîne câblée PBS (Mastepiece) et sera sans doute prochainement diffusée aux US. En France, c’est ARTE qui a acheté la série pour une diffusion prévue en 2016. Pour son pilote, la série adopte un format peu conventionnel et quasi-cinématographique (75 min). On a donc eu le temps de se faire notre avis sur cette nouvelle venue.

     

    Un soap opera ensoleillé sur fond de colonialisme

    Indian Summers mélange le réalisme d’une période historique sensible et la romance d’un soap-opera bien maîtrisé. Le Royaume-Uni évoque rarement cette partie sombre de son passé qu’a été la fièvre colonialiste de l’entre-deux guerres. La série prend le pari ingénieux de montrer la fin de l’emprise britannique et les soubresauts de la révolte indienne. Nous sommes alors projetés en 1932, dans la jolie bourgade de Simla au pied de l’Himalaya, qui sert pendant la période estivale de résidence de vacances aux plus riches et puissants des colons britanniques. La scène d’ouverture annonce la couleur avec un gros plan sur une pancarte annonçant « No dogs nor Indians » (Pas de chiens ni d’indiens), indice qui montre clairement que la série n’éludera pas le racisme ambiant et « normal » à l’époque.  

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    La série prend alors des allures de fable politique : les atteintes à l’autorité britannique se multiplient et s’aggravent, au sein même du palais du beau Ralph Whelan (Henry Lloyd-Hugues), secrétaire privé du vice-roi. Le portrait de la reine Victoria est souillé par un graffiti blasphématoire et les autorités prétendent une épidémie de choléra pour faciliter leur traque du coupable.

    Si le créateur rejette la comparaison systématique avec Downton Abbey, difficile de ne pas faire d’analogie entre les deux séries : chute de l’aristocratie dans l’une, délitement de l’élite coloniale dans l’autre. On retrouve dans Indian Summers les mêmes personnages-types de la bourgeoisie anglaise du début de siècle confrontés aux changements de mœurs.

     

    Une esthétique travaillée

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    On ne s’étonne pas vraiment du prix exorbitant de ces dix épisodes (14 millions de pounds), au vu de la qualité esthétique qu’ils nous offrent. En effet, Indian Summers est extrêmement ambitieuse, qu’il s’agisse de l’image, des décors ou encore des costumes. Si la réalisation reste très classique, la lumière joue un rôle de premier plan dans une fiction où le mot summer prend tous son sens.

    L’épisode s’ouvre sur les passagers du train en direction de Simla. Un wagon surpeuplé par des indiens, l’autre réservé aux passagers britanniques confortablement installés sur des banquettes. D’un coup, le train freine puis s’arrête. Le soleil envahit les wagons et les passagers attendent au milieu de nulle part. La chaleur insupportable et lourde de l’extérieur se fait visuellement ressentir, les gouttes de sueur tombent dans notre dos et nous sommes nous aussi assis dans cet étouffant wagon. Indian Summers a cette force esthétique que de nous plonger littéralement dans l’action, par une lumière magnifique et une caméra qui se plaît à s’attarder sur les détails des corps en sueur.

    Dans cette série, pas d’images de synthèse et d’effets spéciaux à gogo : la première saison a été tournée en décors naturels en Malaisie. L’époque coloniale est véritablement ressuscitée sous nos yeux dans des paysages grandioses et gorgés de lumière, auxquels s’ajoutent des costumes travaillés dans le détail, fidèles à la mode des années 30.

    Ceci étant, Indian Summers est bien plus qu’une jolie série en costumes. Elle parvient habilement à un mélange des genres qui ravira les sériphiles de tous bords. Pour l’anectode : le tournage de la saison 2 commence dans une semaine (confidences de l’actrice Julie Walters lors de la projection au festival Séries Mania à Paris le 22 avril). La saison 1 vient de se terminer outre-atlantique, reste plus qu'à attendre -pour les plus sages-  la diffusion en France.

     


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  • Marvel's Daredevil : Une première saison géniale, rien de moins.


    En Octobre 2012, Marvel Studios récupère les droits de son héros aveugle et annonce l’année suivante que Matt Murdock reviendra sur nos écrans, dans une série Netflix de 13 épisodes. La peur était grande à l’entente de cette annonce, le souvenir du film avec Ben Affleck planant dans les esprits. Mais peu à peu, les infos ont été rassurantes, notamment grâce à l’équipe d’écriture : Drew Goddard (Cloverfield, The Cabin In The Woods, World War Z, Buffy, Angel), Steven S. DeKnight (Spartacus, Buffy, Angel), Doug Petrie (Buffy, Angel, mais aussi scénariste de comics) et Joe Pokaski (Heroes, la minisérie de comics Secret Invasion : Inhumans pour Marvel comics), fait également rassurant, cette fois, c’est Marvel lui-même qui gèrera l’adaptation de son héros. C’est le 10 Avril qu’est sortie la première saison de Daredevil dans son intégralité, 13 épisodes d’action, d’enquête et de suspense haletant. On s’attendait au pire, on a eu le meilleur.

     

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    Un héros intéressant

    Pour ceux qui ne connaissent pas Daredevil alias Matt Murdock, c’est un super héros nés dans les années soixante de l’imagination de Stan Lee, Bill Everett et Jack Kirby. Matt, alors qu’il est encore enfant, reçoit lors d’un accident de la circulation une dose de produits chimique sur les yeux le rendant aveugle, mais, développant ses autres sens à un niveau surhumain. Le jeune enfant est alors élevé difficilement par son père boxeur dans le quartier de Hell’s Kitchen, gangréné par la violence et le crime.  Matt, grâce à son intelligence et au soutien de son père qui veut un meilleur futur pour son fils que le sien, apprend le braille seul et devient avocat. Mais, la loi ne suffisant pas, il se sert de ses sens hors normes et de son entraînement au combat pour punir le crime dans son quartier.

    Ce qui est intéressant chez Daredevil, c’est son sens aigu de la loi et de la justice, ainsi que son fort attachement à la religion catholique. Comme bon nombre de héros de comics, Daredevil ne tue pas, mais contrairement aux autres, il peut se montrer trop violent et brutal et fait preuve d’une réelle instabilité liée à la vie qu’il mène et au stress qui en résulte. Daredevil est un héros populaire car il se détourne un peu des clichés habituellement véhiculés par les histoires de super-héros. Il a un fort sens de la loi et de la justice mais n’hésite pas à se faire juge et juré, il a une grande foi et reste conscient que le diable est aussi en lui, il ne tue pas mais se montre très violent et dérape parfois, il a quelques pouvoirs mais reste très vulnérable. Daredevil est un héros avec une dimension humaine très intéressante, comme c’est souvent le cas chez les personnages Marvel, ce sont ces paradoxes et cette vulnérabilité qui en font un protagoniste attachant et pour lequel on ressent une réelle empathie.

     

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    Une direction artistique bluffante

    Mais revenons sur la série qui a débarqué sur nos écrans il y a un peu plus de deux semaines. Dès le pilote, le ton est donné. La série est noire, violente, emprunte d’un réalisme réussi, allant même jusqu’à choisir le costume le plus épuré de la bande dessinée (celui de Frank Miller, au début des années 80), pourtant jusqu’à présent boudé par les fans des comics. Un grand soin est apporté à l’ambiance, à la beauté des plans et des actions qu’ils montrent, tout cela, sans jamais tomber dans un maniérisme ridicule. En premier lieu Daredevil est beau, jusqu’à son générique qui parvient à dépeindre une ambiance menaçante. Tout, ici, est dans la simplicité, la mise en évidence des sens surdéveloppés de notre héros est mise en scène de la manière la plus sobre possible, ne sombrant pas dans les effets spéciaux ridicules du film.

    Les scènes de combat sont quant à elles parfaitement chorégraphiées, brutales et donnent une impression de réalisme. En effet Matt Murdock est un héros, non pas un super héros, il est vulnérable, se prend des coups, saigne, boîte et chaque combat semble peser sur lui, laisser des séquelles. Hell’s Kitchen, le quartier de la ville dans lequel évolue notre combattant masqué, se dote d’une atmosphère inquiétante, anxiogène, violente et menaçante à l’image de son vilain, Wilson Fisk.

     

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    Une écriture pleine de suspense et nuances

    Ce qui permet aussi à Daredevil de briller, c’est une écriture à mille lieux du manichéisme qui existe quelque fois dans les histoires super-héroïques. Daredevil choque parfois par sa vilolece et même si l’on sait qu’il est animé par de bonnes intentions, il  reste menaçant et brutal. Le héros est ici nuancé, torturé par la voie qu’il a choisie, hanté par la violence qu’il emploi mais ambigu sur son plaisir à l’utiliser. Mais le héros n’est pas seul dans ce cas, tous les personnages font preuve d’une nuance et d’une qualité d’écriture qui reste rare, tout genre confondu. En premier lieu, l’antagoniste de cette histoire : Wilson Fisk. Les scènes sur ce personnage sont nombreuses et c’est le traitement qui lui est apporté qui fait sortir Marvel’s Daredevil comme un petit bijou d’écriture de méchant. En effet, Wilson Fisk n’est pas dépeint comme un être diabolique et purement mauvais.

    Il sait certes se montrer cruel et violent, mais c’est un homme réellement sensible, en proie à ses paradoxes et ses sentiments, hanté par son passé et obsédé par sa vision du futur. Car l’objectif de Wilson Fisk n’est pas différent de celui de Matt Murdock, il veut améliorer le quartier de Hell’s Kitchen, mais il veut le faire dans l’ombre, à travers des luttes de pouvoir, sans s’embarrasser de la loi. C’est un homme aimant, sensible, intelligent et cultivé, instable émotionnellement et impitoyable si on se met en travers de sa route ou qu’on lui manque de respect. Les personnages secondaires récurrents sont tout autant bien construits et semblent tous avoir une réelle personnalité qui transparait à l’écran, ce qui est bien rarement le cas. Il est difficile d’expliquer en quoi chaque personnage est intéressant sans dévoiler des clés de l’intrigue de cette première saison. Une chose est sûre, Daredevil vous étonnera, vous tiendra en haleine, et à la fin de chaque épisode, vous aurez du mal à vous empêcher de regarder immédiatement le suivant.

     

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    Un casting fabuleux

    Un des énormes points forts de Daredevil, ce sont ses acteurs. Tous, sans exception, qu’ils soient personnages de premier plan, secondaires ou encore moins souvent présent, jouent merveilleusement bien, aidés, bien sûr, par la qualité d’écriture des scénaristes. Charlie Cox est parfait en avocat soucieux de défendre des innocents le jour et héros violent la nuit. Mais la réelle pépite de casting est Vincent D’Onofrio (Full Metal Jacket, Men In Black, New York : section criminelle) dans le rôle de Wilson Fisk, il y est méconnaissable et joue à la perfection toutes les gammes d’émotions du personnage. Sa performance est toujours parfaitement crédible, nuancée, juste et fait preuve d’une présence impressionnante dans toutes les scènes dans lesquelles il apparait. Il serait injuste de ne pas parler de Helden Henson (mighty Duck, Hunger Games), Deborah Ann Woll (True Blood), Rosario Dawson (Death Proof, Sin City, Men In Black II, Percy Jackson), Toby Leonard Moore (Dollhouse, John Wick) et Vondie Curtis-Hall qui sont tous parfaits dans leur rôle et insufflent réalisme et crédibilité au show.

     

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    Daredevil est une grande réussite et une bonne surprise. La série se montre d’une grande qualité d’écriture, de jeu et de mise en scène. Si les histoires de super héros costumés vous font fuir, il serait dommage de ne pas donner sa chance à Daredevil. Car au-delà d’être une adaptation de comics Marvel, c’est une très bonne série que nous offre Netflix. Un show qui sait se montrer sobre et efficace, que cela soit au niveau des scènes d’action comme de l’intrigue et fait preuve d'une ambiance oppressante où tout semble être un danger ainsi que de personnages attachants qui s’émancipent des archétypes et des clivages gentil/méchant. Même si quelques lenteurs se font parfois ressentir, la série tient en haleine du début à la fin, et il est rare de voir des séries qui donnent tellement envie d’enchaîner les épisodes. La fin de la saison est dure tellement le tout est immersif, haletant et on se retrouve à en vouloir plus. Heureusement, la série a été renouvelée pour une deuxième saison, mais il faudra attendre 2016 pour ça.

     


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  • The Comedians : Un pilote en demi-teinte. Pas déplaisant, mais loin d’être convaincant.


    Les shows tournant autour d’humoristes déjà connus ont toujours été assez présent aux Etats-Unis (Seinfeld, The Cosby Show, Everybody Loves Raymond, Curb Your Enthusiasm, Louie…). Cette série se base alors sur des versions fictives  de Billy Crystal, grosse tête d’affiche dans les années 80-90 (Quand Harry Rencontre Sally, Monstres & Cie, Mafia Blues…) et Josh Gad, figure montante de la discipline (des apparences dans Urgences, The Daily Show, Modern Familly, New Girl et la V.O. de Olaf dans La reine des neiges). La série se présente alors sous la forme d’un faux documentaire, ou « mockumentary », en suivant des séries qui ont fait leurs preuves (The Office, Parks And Recreations…). Après ce premier épisode, The Comedians laisse assez froid, mais comme il est souvent le cas, il faudra sûrement plusieurs épisodes à la série pour s’installer, trouver son rythme.

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    Un synopsis intéressant

    Le synopsis en lui-même de la série est assez intéressant. Billy Crystal propose un show humoristique à FX dans lequel il joue tous les personnages, mais la chaîne n’est pas vraiment convaincue par le pilote et demande à Billy de rencontrer Josh Gad, figure plus moderne de l’humour, pour qu’ils construisent un show ensemble. S’en suit alors une rencontre entre Billy et Josh qui, évidemment, ne se passe pas très bien, les deux personnages ayant une vision de l’humour très différente. Mais, Josh ayant des problèmes d’argent et Billy n’ayant pas le choix s’il veut monter un show, les deux larrons acceptent de travailler ensemble. La série suit alors sous la forme d’un faux documentaire, la conception des treize épisodes de leur série commune. C'est alors l’occasion de confronter deux visions du métier d’humoriste, une plus à l’ancienne qui a déjà fait ses preuves, et une plus moderne, plus jeune, qui a de plus en plus de succès.

    Une difficulté à trouver son ton

    Toutefois, malgré un pitch qui n’est pas déplaisant, la série a du mal à trouver son ton. Dès ce premier épisode, le personnage de Billy Crystal semble antipathique, laissant la tâche de faire rire à son binôme, créant d’emblée, un déséquilibre dans les rôles des personnages. De plus, le but de la série de montrer la production des épisodes de leur show est dans ce pilot laissé en retrait et l’accent est plutôt mis sur la mésentente entre les deux personnages, ne laissant sûrement pas un juste aperçu de ce que seront les épisodes suivant. La série fait tout juste sourire et le gag de fin introduisant le très bon acteur Steven Weber décontenance et permet de faire douter sur l’humour des épisodes suivants.

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    La forme du faux documentaire

    De plus, la forme du mockumentary semble ici assez fade, ne réussissant pas à amuser ou intéresser comme dans les géniales séries The Office ou Parks And Recreations. La question se pose alors réellement sur la pertinence de ce parti pris de réalisation. Dans l’idée cela semble être le moyen de raconter cette histoire le plus « logique », la série montrant ce qui se passe en Backstage de la création d’une série à Sketch, l’utilisation d’une forme en espèce de « making of » est la première qui vient à l’esprit. Mais justement, cela démontre d’un certain choix de facilité de mise en scène. Car, dans The Office ou Parks And Recreations, on suit respectivement la vie quotidienne dans une entreprise de papier et dans le département d’une mairie responsable des parcs et des loisirs d’une petite ville d’Indiana.

    Le choix d’une forme en faux documentaire apporte alors un souffle de fraîcheur, d’inattendu et est intéressant de par la prise à contrepied des univers présentés. Ici c’est exactement ce que l’on attendrait d’une série qui parle des coulisses de production d’un produit télévisuel, laissant l’impression désagréable que le show ne cherche pas vraiment à étonner ou innover, mais plutôt à surfer sur un mode de réalisation qui marche déjà.

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    The Comedians, à la fin de ce premier épisode, ne parvient pas vraiment à convaincre. Le pilote fait tout juste sourire et le show semble juste surfer sur la vague de deux choses qui marchent : les séries construites autour d’humoristes déjà établis, et la forme du faux documentaire. Le conflit générationnel entre deux visions de l’humour reste pour l’instant assez caricatural, rendant même d’emblée antipathique une des deux têtes d’affiche. Mais, comme c’est souvent le cas pour ce genre de séries, il faudra attendre quelques épisodes avant de voir si The Comedians parvient à trouver son ton et son humour, sinon, cela sera malheureusement un faux-pas pour FX, qui propose pourtant ces dernières années de séries humoristiques de grande qualité. Le même jour sur la même chaîne, commençait la nouvelle saison de Louie, et ça, on ne peut que s’en réjouir. 
     

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  • Spotless : une série faussement inspirée de Dexter. Une idée novatrice, un résultat mitigé.


    Chaque nouvelle « création originale » de Canal + fait l’effet d’une bombe dans le microcosme des séries françaises. D’abord avec Engrenages, ensuite avec Les Revenants, la chaîne cryptée a réussi à imposer sa marque, gage de qualité scénaristique et visuelle à l’heure de Plus Belle La Vie et autre Joséphine Ange Gardien. L’année dernière, avec l’intrigante The Tunnel, la chaîne s’ouvrait à la co-production européenne en mélangeant showrunners et acteurs anglais et français, à l’image du couple Clémence Poesy-Stephen Dillane, duo d’enquêteurs contradictoire mais efficace. Un succès critique et populaire que Canal + espérait retrouver au travers de cette nouvelle création en version originale (donc en anglais). Verdict ?

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    Une mise en place lente

    Derrière les commandes de la série, on retrouve deux artisans du feuilleton anglophone : l’américaine Corinne Marrinan, scénariste sur NCIS, et le britannique Ed McCardie, connu pour la série Shameless. Surtout, les deux premiers épisodes ont été réalisés par Pascal Chaumeil, auteur de la subtile comédie romantique L’Arnacoeur. Avec un tel mélange des genres, on s’attendait à un résultat détonant.

    Le pilote débute sur une vraie-fausse séance de psychanalyse entre Jean Bastière (Marc-André Grondin, révélé dans C.R.A.Z.Y et Le Premier jour du reste de ta vie), expatrié français à Londres, et une séduisante jeune femme qui s’avère bien vite être sa maîtresse. La scène d’ouverture introduit donc maladroitement et assez brutalement la faiblesse psychologique d’un personnage qui semble fasciné par la mort. Assez vite, on apprend que Jean a un métier peu commun : fondateur de Clear Sky, une compagnie de nettoyage spécialisée dans les scènes de crime, Jean passe ses journées à racler des bouts de cervelle et à faire disparaître des restes humains. Difficile de ne pas faire l’analogie avec le sympathique Dexter, même si la différence est là de taille : Jean est un loin d’être un expert en médecine légale ; il se contente de nettoyer, un boulot plutôt ingrat en somme.

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    Surtout, notre nettoyeur est un sensible. Loin de l’apathie désarmante d’un Dexter, Jean adore sa femme –bien qu’il la trompe- et ses deux enfants. Confortablement installé dans la cossue banlieue de Londres, la situation financière de Jean n’est pourtant pas au beau fixe : l’arrivée impromptue de son frère Martin (Denis Ménochet, très bon), ex-taulard et délinquant en puissance, va entraîner notre père de famille respectable dans une spirale meurtrière.

    Encore une histoire de famille

    L’intrigue démarre lorsque Martin débarque et bouleverse une vie de famille parfaite, voire monotone pour Jean qu’on sent enfermé dans une routine abrutissante. Ainsi, si Martin représente de futurs ennuis, il incarne aussi une sorte de libération intérieure pour notre héros : alors qu'il trimballe une mule pleine d’héroïne dans sa camionnette, Jean ne va pas vouloir l’aider jusqu’au moment où il accepte, pour des raisons financières, de découper la morte afin de récupérer la drogue. Un moment finement interprété, où les deux frères ricanent et parlent de sexe au-dessus du corps sans vie de la pauvre femme.

    Ce qu’on regrette un peu, c’est le besoin systématique d’approfondir cette relation fraternelle par un traumatisme passé. Du coup, Jean est parfois pris de flashbacks courts où il observe, immobile, un cadavre flotter dans l’eau. S’agit-il de sa mère, qui battait son frère ? L’utilisation de ce procédé ultra-utilisé vient alourdir une intrigue à vocation plus légère, où l’élément comique joue un rôle central.

    Spotless est donc plutôt une bonne surprise dans le genre plutôt rare de la comédie noire/thriller. Diffusé depuis le 16 mars sur Canal +, au rythme de 2 épisodes par soir, la saison 1 touchera à sa fin le 13 avril, avec un total de 10 épisodes.

     

     


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  • Bloodline, un huis clos familial subtil, porté par un casting d'exception 


    Depuis quelques temps, Netflix dans son ambition dévorante nous avait habitué à ses créations aux allures de superproductions hollywoodiennes, à l’image de la décevante Marco Polo et de la future Marvel’s Daredevil (sortie le 10 avril prochain). Bref, on avait un peu perdu de vue la ligne éditoriale de la plateforme américaine, qui avait à ses débuts secoué le petit monde de la TV outre-atlantique avec les géniales Orange Is The New Black et House Of Cards

    Avec Bloodline, Netflix se lance dans le genre surexploité du drame/thriller familial noir, où petits secrets et rancoeurs anciennes viennent mettre en doute les relations apparemment apaisées d’une famille sans histoire. Malgré quelques lenteurs et une voix-off superflue, Bloodline réussit à construire des portraits complexes et forts comme on en voit rarement dans les séries.

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    Le cinéma indé en ligne de mire

    Habitués des séries à cent à l’heure, adeptes du binge-watching (ou gavage télévisuel), Bloodline n’est sans doute pas pour vous. Et pour cause, les showrunners Glenn Kessler, Todd. A. Kessler et Daniel Zelman (Damages) n’ont visiblement pas cherché à retenir le spectateur coûte que coûte, à grands renforts de cliffhangers insoutenables. Non, Bloodline est une série qui prend son temps, qui s’attarde –parfois trop- sur la caractérisation de ses personnages, sur les paysages idylliques des mangroves de Florida Keys où vit la famille Rayburn.

    Parfait exemple de l’effacement des frontières entre le format série et celui du cinéma, Bloodline compte autant  sur la forme que sur le fond. D’autant plus que les créateurs se sont entourés de pointures du Septième Art : Sissy Spacek, qui a depuis longtemps délaissé le terrifiant costume de Carrie (1976) pour interpréter ici Sally Rayburn, mère douce et inquiète, pilier fragile d’une famille finalement très instable. Elle donne ici la réplique à Sam Shepard, convaincant en mari aimant et père plus qu’ambigu. Ajoutez au tableau familial le beau-gosse John (Kyle Chandler), frère protecteur et leader dans l’âme, Meg, la sœur a priori irréprochable (Lina Cardellini) et le colérique mais sympathique Kevin (Norbert Leo Burtz), et vous aurez la parfaite famille Rayburn, pilier de la communauté.

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                     Le retour d’un grand-frère mal aimé              

    L’élément perturbateur ne tarde pas à faire son apparition, sous les traits de Danny Rayburn, aîné de la fratrie, le seul à n’être pas resté dans l’entreprise familiale –un luxueux hôtel en bord de mer-, alors que les très populaires Rayburn organisent un week-end festif, sorte d’auto-célébration de leur réussite sociale. Quand Danny, mouton noir de la famille, débarque et décide de rester, les Rayburn sont pris de court.

    Interprété tout en nuances par le très bon Ben Mendelsohn (Lost River, The Place Beyond The Pines), l’aîné des rejetons Rayburn fait tâche dans le décor paradisiaque et propret de l’hôtel familial : ses cheveux en bataille, son regard perdu, son allure dégingandée et son addiction aux anti-douleurs éveillent bien des doutes quant aux motifs de son choix. Les flashbacks sur un passé visiblement douloureux se doublent de flashforwards qui annoncent une tragédie future. Le huis clos familial débouchera-t-il sur un meurtre… ?

    Au fil des épisodes, l’intrigue s’intensifie autant qu’elle se complexifie : Bloodline opte pour un fil conducteur multi-temporel, les flashforwards tenant en haleine un spectateur potentiellement lassé par la lenteur du récit. Si l’on peut reprocher à la série l’utilisation abusive et finalement assez rébarbative de la voix-off (celle de John) en début et fin d’épisode, Bloodline se démarque largement par sa richesse scénaristique, sa brochette d’acteurs talentueux et son esthétique cinématographique. 


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